Mais dis donc Madame la Justice, c’est pas pour vous montrer du doigt et vous taper l’affiche devant tout le monde, mais quand même, ces derniers temps, on ne compte plus vos boulettes. Main dans la main avec plus votre grande influente, Mademoiselle la Rumeur, vous crânez pas mal et, même lorsque la lumière est faite sur la vérité, vous continuez de la ramener.
Chaque accusation apporte son lot de doutes, et notre petit fessier se retrouve souvent condamné à hésiter entre deux chaises. Ces dernières semaines, nous avons eu notre lot de dilemmes. Pourtant, chacune des affaires juteuses que les médias nous ont jeté en pâture éveille en nous des sentiments mitigées, pour ne pas dire opposés. Bizarre, lorsque qu’il a été tranché que l’accusation n’était pas fondé.
La première est de toute évidence l’affaire Bettencourt-Woerth. Depuis trois semaines, on nous rabâche les oreilles avec le « trempage » plus qu’évident d’Eric Woerth et d’un acolyte, et pas des moindres : l’UMP (entendez Sarkozy notre Président). Cette semaine, nous apprenions que tout le monde se serait trompé en roulant médiatiquement dans la gadoue ce bon vieux Ricou et sa femme.
Mouais. On soufflerait presque d’agacement tant cette fin façon Disney sonne faux. L’union des termes « politique » et « corruption » illustrent tellement bien la notion de « pléonasme » que peu de dénouements, à part celui de la culpabilité, nous paraissent probables. Le pouvoir n’appelle-t-il pas l’avidité, la tentation, le besoin d’une abondance éternelle, de possibilités illimitées ? Ce sentiment, appuyée par une série de souvenirs de politiciens frauduleux, reste partagée. Le doute ne fait finalement plus partie des appréciations envisageables : on restera persuadé que l’accusation était fondé, même avec une preuve par A+B sous les yeux.
Number 2 : l’affaire Dany Leprince. Effet inverse. On touche au peuple, au exclus de la dirigeance, aux contrées lointaines du pouvoir. L’événement nous ramène à toutes ces victimes de la justice, qui ont passé des années derrière les barreaux, avant que leur dossier soit enfin ré-examiné.
L’affaire émeut. Ces erreurs judiciaires rallient les foules, avec l’aide des médias à leurs côtés, sous une voix commune criant au scandale dès que les portes de la prison s’ouvrent pour laisser sortir l’accusé à tort. La programmation de M6, chaine ayant pour vocation de dénicher des sujets entrainant une sensibilité exacerbée des glandes lacrymales, nous prévoit une soirée sur l’affaire Jacomet. L’accusation à tort d’un citoyen lambda est impardonnable et trainera Madame la Justice dans la boue. Et le doute disparait, pour toujours.
Scénario numéro trois : alors que revoilà la sous-préfète Polanski ! Lourd d’un fardeau judiciaire et les fesses brûlées à force d’échapper à ce mandat d’arrêt international qui dure depuis plus de 30 ans, le cinéaste vient enfin de jouir d’un rayon de soleil dans sa vie plutôt sombre depuis son arrestation en septembre 2009. Free like the river, Roman Polanski peut désormais faire la nique aux États-Unis, qui n’auront aucun recours dans ce dossier.
La famille intellectuelle française crie de joie, la population s’en fout, ou presque. Et le doute persiste, mais s’effiloche avec le temps et finit par tellement nous lasser que nous voudrions tout oublier, tirer enfin une croix sur ce roman-fleuve qui ne nous amuse plus.
Les hommes naissent libres et égaux en droits. Certains en ont juste un peu plus que d’autres.
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