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Egypte : satisfait mais pas euphorique !

Publié le 13 février 2011 par Neoafricain

Les Evènements de ces derniers jours en Egypte qui ont d’abord conduit à la pleine démission du Président Hosni MOUBARAK, constituent une avancée majeure pour la Démocratie dans les pays arabes. Après la Tunisie, on peut dire qu’avec le soulèvement en Egypte, le pays arabe le plus peuplé, le monde musulman a atteint un point de non-retour en ce qui concerne l’implantation des valeurs démocratiques dans leurs sociétés. Si la liberté politique et la liberté économique pouvaient s’imposer sans heurts au Moyen-Orient, ce serait bénéfique pour tout le monde: les peuples jouiraient enfin de leurs ressources immenses, et avec à terme le retour des réfugiés musulmans dans leurs pays, on pourrait assister à une baisse de l’islamisation dans les pays d’accueil.

Hosni MOUBARAK n’était pas SADDAM HUSSEIN qui gazait son propre peuple par milliers et qui menaçait ses voisins. Il a été d’une très grande utilité au monde quand à la suite de l’assassinat de SADATE, il a repris les rennes du pouvoir et mater les Islamistes. Il a aussi été précieux lors de la 1ère guerre du Golfe pour enrayer la folie de Saddam HUSSEIN. Et enfin, il a été décisif pour la paix dans le monde en consolidant l’accord de paix signé avec Israël. Mais il était sans conteste un dictateur qui n’hésitait pas à utiliser des méthodes intolérables pour asseoir son pouvoir, et a commis la faute que beaucoup de présidents africains commettent en profitant largement et égoïstement des ressources financières de son pays. Alors que ce même pays, très dépendant des importations de produits alimentaires et de l’aide financière étrangère, voyait la pauvreté exploser au sein de sa population. Au niveau politique aussi, il a commis des fautes fatales, notamment celle de ne pas tolérer une opposition laïque crédible, laissant ainsi les Frères Musulmans occuper tout le terrain de l’opposition à son régime. La goutte d’eau qui aura fait déborder le vase, c’est d’avoir choisi son propre fils comme successeur. Preuve ultime de sa vision personnelle du pouvoir. Ce qui avait fortement déplu ses propres partisans.

Pour toutes ces raisons, Réjouissons-nous que le vieux lion soit tombé !

Cependant, je n’ai pas ressenti le même enthousiasme que quand le 9 avril 2003, la Statue de Saddam Hussein avait été déboulonnée à Bagdad ; ni l’euphorie en novembre 1989 quand le mur de Berlin et le communisme se sont effondrés ; ni ce que je ressentirai certainement quand l’Iran se débarrassera de ses Ayatollahs et la Corée du Nord de sa dynastie monarchique stalinienne.

Mon manque d’enthousiasme vient de plusieurs facteurs :

D’abord la crainte pour nos frères chrétiens. Ils ont déjà beaucoup souffert des récents attentats et on peut craindre qu’une fois libérés de la persécution, les Frères Musulmans et leurs suppôts s’en prendront directement à eux.

Pour Israël aussi. L’étau se ressert inexorablement autour de l’Etat juif : l’Iran continue tranquillement de préparer sa bombe, la Turquie des « Islamistes modérés » est de plus en plus critique envers Israël, au Liban le Hezbollah règne en maître, le Hamas est toujours présent à Gaza, et donc bientôt leurs alliés idéologiques, les Frères Musulmans, tiendront un rôle de premier plan en Egypte. Si on y ajoute l’instabilité politique en Jordanie qui débouchera certainement sur une plus grande place donnée aux Islamistes ; on a un tableau bien inquiétant pour l’Etat hébreu.

Toutes ces craintes sont bien réelles parce que nous avons aux Etats-Unis, un Président qui a clairement pris partie pour les Musulmans sur la scène internationale. Il ne fait pas de la sécurité des Juifs et des Chrétiens du Proche-Orient un casus belli. Dans le même contexte géopolitique, avec un autre Président américain, tous les acteurs de la région sauraient que l’Amérique ferait la guerre s’il le fallait pour empêcher l’extrémisme islamiste de prendre le pouvoir ; et que les Etats-Unis ne reconnaitraient pas la victoire électorale d’un parti extrémiste, comme ce fut le cas en Algérie avec le F.I.S.et plus récemment à Gaza avec le Hamas.

Hélas aujourd’hui, c’est le cynisme qui sert de politique à Washington. OBAMA qui avait encore reçu il y a quelques mois MOUBARAK avec beaucoup de fastes, a pathétiquement tenté vendredi de nous faire croire qu’il soutenait les insurgés égyptiens depuis le début… un peu de pudeur s’il vous plaît !

Les Français aussi passent à côté de l’enjeu. Alors que la paix ou la guerre se jouent dans les mesures qui se prennent durant cette période cruciale, ils s’enferment dans leur éternelle repentance et dans leurs débats bassement politiciens. Le vrai sujet n’est pas de savoir qui a payé le dernier voyage du premier Ministre français au Caire, mais de savoir quelle réponse donner à un régime militaire qui a officiellement suspendu la Constitution et dissous le Parlement, tout en promettant la tenue dans six mois d'élections libres que les Islamistes ont une grande chance de remporter.

J’aimerais qu’un Homme d’Etat explique clairement les nobles raisons pour lesquelles il fallait soutenir MOUBARAK durant les premières années de sa présidence, et pourquoi il était plus que temps qu’il cède son pouvoir. Mais cet Homme d’Etat devrait aussi affirmer fort que nous n’accepterons pas le remplacement du dictateur par une dictature religieuse.

C’est en l’absence d’une telle position claire des grandes puissances que ma satisfaction de voir des millions d’Africains goûter à la liberté est atténuée par la crainte que des forces obscures viennent transformer la fête en tragédie.


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