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Une lettre de Don Juan à Venise

Publié le 08 mars 2011 par Jlk


 

À propos du carnaval de Venise, de L'Enfant prodigue et de l'indiscrétion pendable de JLK... 

À La Désirade, ce mardi 8 mars. – Je reçois ce main cette lettre de Richard Dindo, dont j’aime tant le franc-parler de sale gueule. Je ne sais si j’arriverai, un jour, à lui arracher tout ou partie de son journal intime de bientôt 15.000 pages, intitulé Journal des coïncidences et qui doit contenir des morceaux d’un immense intérêt documentaire sur l’humanité et d’une extrême liberté, comme je le connais, sûrement aussi libres que celles d'un Paul Léautaud (l’un de ses modèles en littérature) ou de Casanova (l’un de ses modèles de séducteur dont nous tenons nos filles éloignées tant que faire se peut), je sais qu’il se méfie de moi et ne me laissera jamais seul à proximité de ses papiers, mais voici du moins ça de pris dans l’immédiat:

«Cher ami, dans deux heures je prends l’avion pour Zurich et Paris. Je viens de passer 8 jours au carnaval de Venise, dont deux soirées de bals masqués, j’étais censé filmer des images en pensant à Vivaldi, mais comme tu me connais, je ne pensais qu’aux femmes. Toute ma vie j’ai eu envie de participer à des bals masqués au carnaval de Venise. Au premier j’ai rencontré un groupe de trois Brésiliennes bien charmantes qui m’appelaient Riccardo, puisque c’est mon vrai nom, au second un couple de mère et de fille d’Angleterre. A chaque fois, ne pouvant me décider pour l’une d’elles, j’ai fini sur mes fesses en les ratant toutes. Te connaissant je ne pourrai t’envoyer mon Journal pour te raconter tout cela plus précisément.

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Entre-temps, dans ma chambre d’hôtel, j’ai lu ton dernier livre que j’ai trouvé épatant, dès le départ, avec les citations de Baudelaire, de Proust et de Rimbaud, mes frères et mes maîtres. Les premières pages sont splendides. Ca commence justement d’une manière très... proustienne - ta «manie de tout expliquer» que je connais bien et qui me crée actuellement des problèmes avec une jeune femme de Milan qui n’aime pas elle non plus qu’on lui explique « tout », tout en prétendant qu’elle est très « claire » elle-même, alors que je la trouve bien confuse, me concernant.

J’aime aussi ce que tu dis sur « les odeurs » et puis sur « l’image dans le miroir ». Là, d’où je t’écris, dans ma chambre d’hôtel, je suis assis en face d’un miroir justement. Comme il n’y a pas beaucoup de lumière, je trouve ma tête pour une fois pas si mauvaise que cela et je dis qu’à mon âge j’aurais encore la gueule à séduire des jeunes femmes. Mais va leur expliquer cela. Faut que je monte rapidement la barre un peu plus haut, disons vers un âge autour de 5O ans, là, tout me deviendra de nouveau possible. Je l’ai vu avec les Anglaises : d’abord la mère me plaisait plus que la fille, alors que c’était la fille qui avait l’air de s’intéresser à moi. A un moment elle a enlevé son masque de carnaval qui couvrait la moitié de son visage pour me montrer la moitié cachée, ce que j’ai considéré comme “une invitation”. Mais comme je suis Alémaniaque, je n’osais draguer la fille sous les yeux de la mère, non pas par gêne ou timidité, mais par moralisme, alors qu’à ce moment-là la mère avait l’air de vouloir me « laisser » sa fille et se « sacrifier » en quelque sorte. Ensuite, quand j’ai commencé à m’approcher de la fille, c’est la mère qui s’est soudain intéressée à moi et c’est la fille qui a laissé la place à la mère. Mais là, la fille, avec son sourire radieux, me plaisait déjà énormément. Bref, à la fin, je me suis retrouvé seul sur mes fesses dans les ruelles pour une fois vides de Venise, puisqu’il était 3 heures du matin.

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Pour revenir à ton livre, j’ai aimé comme tu parles de la mer. Je n’aime moi que la mer. Les montagnes et les lacs m’ont toujours ennuyé. Je ne me rappelle pas avoir jamais filmé une montagne, par contre la mer souvent. La mer est la seule, la plus grande métaphore. J’aime évidemment tout ce que tu as écris sur notre génération de rebelles. Actuellement nous aimons les rebelles de la Lybie. J’attends et j’espère tous les jours qu’ils tuent le dictateur. Malheureusement ils n’y vont pas arriver sans l’aide de l’Occident. Emouvant ton souvenir de Pilou. Les biographies des poètes et des écrivains sont parsemées de morts et d’absents. Presque chaque poète et écrivain est orphelin dès son enfance, sinon de l’un de ses parents, au moins d’un petit copain ou d’une copine d’enfance. J’aime comment tu parles de « tes » femmes, de Galia surtout et de Ludmilla. Et j’ai adoré ce que tu appelles si joliment « l’émouvante beauté ». Belles images aussi de ta mère « traversant la Rue Centrale » de ton bled que tu ne nommes pas. Et puis, évidemment, tout ce que tu dis « des enfants », de tes enfants. C’est un bien beau livre, peut-être ton plus beau. Voilà, en quelques mots. T’embrasse fraternellement. Dindo.
Si d’aventure tu me fous sur tes pages Internet sans ma permission, corrige au moins mes fautes de français... »


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