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Une voix libre

Publié le 22 septembre 2013 par Jlk

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Notes en chemin (69)

 San Rocco - Morcote, ce dimanche 14 septembre. - Se faire réveiller par les doigts de la pluie tambourinant sur la tôle d'une caravane à douze euros la nuit   relève du confort si l'on songe qu'il est des pays où il ne pleut jamais et dans lesquels douze euros représentent plus qu'une somme, mais cette musique matinale ne m'a  pas enchanté ce matin que par défaut: c'est en effet que je préfère, en bohème demeuré, cette sorte de bien-être frugal au fade wellness à programme-santé et autres bains de bulles.

En outre la pluie incite à la lecture, et c'est ainsi que j'ai repris, sous ses pizzicati, celle de L'Université de Rebibbia de Goliarda Sapienza, me replongeant dans l'Italie du peuple et du Padre padrone d'hier soir, du seul côté cependant des femmes.

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Goliarda est une artiste intello de haute volée, fille de grands militants du socialisme historique et elle-même célèbre à un moment donné sur les planches italiennes (elle fut en outre l'assistante de Luchino Visconti), qui s'est fait volontairement foutre en taule en chapardant les bijoux d'une amie friquée, et ce livre magnifique raconte comment, de la dépression où elle s'enfonçait, elle s'est sauvée en se mêlant aux femmes "perdues" de Rebibbia, voleuses ou junkies, meurtrières ou "politiques" liées au terrorisme de la fin des années 70  - telle étant l'université de Rebibbia, prison romaine pour femmes où Goliarda en apprend un bout de plus sur la vie.

 Le nom de MORCOTE.- La lecture  et la prison sont de meilleurs refuges, quand il pleut, que les cimetières, mais le nom de MORCOTE m'est alors revenu je ne sais pourquoi, lié à quel souvenir d'enfance, et j'allais y aller ,mais j'ai noté encore cette phrase de Goliarda qui évoque un bonheur d'amitié lui venant en prison: "Le moment le plus beau - qui n'en a fait l'expérience ? c'est quand votre soeur vous passe autour des bras un écheveau de laine souple. On est assise sur le lit et elle commence à enrouler ce fil infini: petit cocon, au début, qui tout doucement, suivant la voix qui raconte, grandit jusqu'à devenir gros et rond comme un soleil"...   

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Femme de bronze. - Et cela s'est fait comme ça: le temps de mon pèlerinage à Morcote, alors que je m'attardais dans le petit cimetière lacustre à terrasses superposées jouxtant l'église de Sant'Antonio Abate accrochée à la pente: le soleil a fendu la grisaille pour se poser sur cette femme de bronze noir, comme enclose dans son silence compact et doux à la fois, parfaite de forme et comme hors du temps, signée Henry Moore et veillant sur le repos durable de je ne sais quel riche notable du nom de Carlo Bombieri.

Goliarda Sapienza n'a pas eu droit à si prestigieux hommage, mais la pente de Morcote m'a rappelé celle de Positano cher à son souvenir, et la stèle funéraire élevée à Gaeta, où elle repose, porte cette inscription non moins pure et parfaite: À la mémoire d'une voix libre.

Goliarda Sapienza. L'Université de Rebibbia. Traduit de l'italien par Nathalie Castagné. Le Tripode, 2013, 220p.

 

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