Magazine Humeur

N’ayons plus peur !

Publié le 11 septembre 2014 par Legraoully @LeGraoullyOff

« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde. » (Gandhi)

« Quand un Gibi réfléchissait à quelque chose d’un peu compliqué, il mettait ça dans son chapeau, ça passait automatiquement dans les autres chapeaux et tous les Gibis se mettaient à réfléchir ensemble sans qu’on ait besoin de leur expliquer. » (Jacques Rouxel)

Aïe, aïe, aïe, 11 septembre… Jour tristement anniversaire, s’il en est. Bien que n’étant pas un inconditionnel des commémorations de tout poil, je me disais qu’il était judicieux de sauter sur l’occasion ; aussi, aujourd’hui, je poursuivrai cette ambitieuse série d’articles ayant vocation à apporter ma pierre à l’édifice d’une société meilleure en suggérant d’opérer ce que devrait faire toute personne ayant vocation à changer le monde : changer son propre regard sur le monde.

Durant les vacances, je me faisais cette remarque : nous avons trop tendance à rester focalisés sur des événements graves mais uniques et à régler notre conduite comme s’ils devaient se reproduire tous les jours. Ainsi, les attentats du 11 septembre 2001, aussi crapuleux et aussi criminels aient-ils été, n’ont finalement jamais eu lieu qu’une seule fois en une décennie : ils ne justifiaient donc pas toutes les mesures liberticides prises par les États occidentaux au cours des dix années qui ont suivi, mesures qui n’avaient aucune chance sérieuse d’empêcher de nouveaux attentats d’une telle ampleur. Aux États-Unis, des citoyens ont été inquiétés rien qu’à cause de leurs origines orientales, et ce en dépit de l’absence de tout motif sérieux pour les soupçonner de terrorisme ; en Europe, on a déployé l’armée dans les lieux publics, comme si des bidasses armées de fusils pouvaient empêcher un avion de s’écraser sur un édifice et faire autre chose qu’effrayer l’usager de base… En revanche, aucune mesure sérieuse n’a été prise contre les nuisances causées par l’automobile (accidents, pollution, etc.) alors que la bagnole tue probablement autant voire plus de monde chaque année que le 11 septembre ; rien de sérieux non plus n’a été fait contre le mal-logement qui est un fléau continu et non pas un événement unique comme les attentats de New York… Autre exemple, le 21 avril 2002 : évidemment, voir le Front National accéder au second tour d’une élection nationale n’est pas réjouissant, mais ça ne s’est produit qu’une seule fois en dix ans et ça ne justifiait que la gauche se mette à avoir honte de ses valeurs et à récupérer le discours de la droite sur la sécurité et l’immigration : il aurait au contraire fallu réaffirmer les valeurs traditionnelles de la gauche, en être fier et ainsi lutter contre des fléaux autrement plus urgents, car continus, que la menace frontiste au lieu de brandir cette dernière comme épouvantail pour faire rentrer les électeurs de gauche dans le giron du PS…

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En somme, telle est la petite révolution spirituelle que nous devrions tous engager si nous voulons faire évoluer efficacement et positivement notre société : ne plus rester obnubilés par des événements graves mais uniques et, au contraire, se concentrer sur des problèmes beaucoup plus graves car continus comme la pauvreté, l’exclusion, les discriminations… Bref, nous devons apprendre à ne plus avoir peur là où on nous dit d’avoir peur : la peur est un instrument de pouvoir redoutablement efficace que les politiques ne se privent pas d’employer pour brider la capacité des citoyens à introduire des changements. Allez dire qu’il faut cesser de stigmatiser les musulmans si vous prenez au sérieux les discours qui assimilent islam et terrorisme ! Allez critiquer le gouvernement si vous gobez la vulgate de Manuel Valls selon laquelle le PS serait le seul rempart contre le FN ! On sanctionne plus efficacement les hommes politiques en ne rentrant plus dans leur jeu qu’en votant contre eux : ce que les politiciens veulent éviter à tout prix, c’est justement que les sentiments des citoyens échappent à leur contrôle. Nous aurions donc tout intérêt à cesser de tomber dans leur piège et d’adhérer à leurs discours terrorisants, ne serait-ce que pour se délester d’une chape de plomb morale qui bride notre capacité à introduire des changements.

Si on prend la peine d’essayer, ce n’est pas si difficile que ça en a l’air : le première chose à faire est de prendre du recul par rapport aux flots d’informations dont nous sommes abreuvés à l’envi au quotidien ; déjà, on peut réduire ce flux : en ce qui me concerne, je viens de passer neuf semaines sans télévision ni internet et je n’en suis pas mort ; il est légitime de rester informé, mais point trop n’en faut : le fait est que nous somme surinformés, saturés d’informations et que ça nous fait plus de mal que de bien. Donc, sélectionnons nos sources d’information, ne gardons que les plus fiables, celle qui ne nous ont jamais trompés – il est assez invraisemblable que des journaux télévisés, comme ceux de TF1, soient toujours regardés malgré les contre-vérités flagrantes qu’ils nous ont assénées ! Cet élagage fait, une fois en possession d’informations, posons-nous les bonnes questions.

Premièrement, est-ce que ces informations nous concernent véritablement et est-il légitime qu’on s’y intéresse ? Quand elles ont trait à la vie sentimentale du président de la République, la réponse a peu de chances d’être affirmative : je vous parie que même s’il ne nous le dira jamais, le gouvernement est satisfait que des citoyens s’intéressent plus au livre de Valérie Trierweller qu’à la politique de Manuel Valls… Deuxièmement, quelle est la nature de l’information : s’agit-il d’un fait reconnu ou simplement de l’expression de l’opinion d’un homme politique qui, même nanti d’une autorité conférée par le suffrage universel, n’est pas pour autant détenteur d’une vérité absolue : rien qu’en se posant cette question, on arrêterait de perdre du temps à analyser les petites phrases des politcards de tout poil ; les attentats du 11 septembre étaient des faits bien établis, toutes les interprétations auxquelles ils ont donné lieu, à commencer par celles de l’administration Bush, n’ont valeur d’interprétation et ne doivent se substituer aux faits. Troisièmement, enfin, le fait rapporté est-il unique ou continu ? Et s’il est unique, est-il vraiment révélateur d’une vérité continue qui mérite d’être prise au sérieux ? Le 11 septembre n’était pas révélateur d’une menace constante d’actes terroristes sur le territoire américain, mais la mort d’un SDF est révélateur de la triste réalité, bel et bien continue, du mal-logement dans les pays dits développés…

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Je ne prétends pas que ce changement d’état d’esprit soit facile : tout cela nécessite évidemment une habitude à réfléchir, à analyser, à décortiquer, que tout le monde n’a pas. Mais c’est comme tout, c’est une question d’entraînement : prenons la peine d’essayer, allons-y à plusieurs s’il le faut (on réfléchit plus facilement à plusieurs que tout seul, d’où la citation du créateur des Shadoks en exergue). En tout cas, commençons par prendre sur nous et par cesser d’avoir peur là où les politiciens nous commandent d’avoir peur : ce sera pour eux une sanction plus terrible que tous les revers électoraux que nous pouvons leur faire subir, qui plus doublée d’une libération grâce à laquelle nous ne serons plus paralysés dans nos initiatives et ne nous sentirons plus obligés d’obéir aux mots d’ordres de tout acabit. À suivre…

intello

À lire : Michael Moore, Tous aux abris !, La Découverte, 2004

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