Magazine Humeur

Dehors les Knacks!

Publié le 11 octobre 2014 par Legraoully @LeGraoullyOff

téléchargement

Depuis le référendum pour l’indépendance de l’Ecosse, tout le monde s’y met. Les Catalans ne veulent plus qu’on les assimile à de vulgaires espingouins, les Bretons veulent avoir le droit de baragwiner (orthographe intentionnelle, puisque baragouin viendrait de bara et gwin, à savoir le pain, le vin et la suppression de l’écotaxe, seules obsessions de ces sauvages), et aujourd’hui ce sont les Alsaciens qui ont battu le pavé pour revendiquer l’autonomie de leur région.

A titre personnel, je n’ai pas de drapeau et pas de clocher, je peux aussi bien tailler le bout de gras en parlanjhe qu’en langage de banlieue mâtiné de platt, je m’intéresse autant aux quatre tons des voyelles chinoises qu’aux langues à clic ou qu’à l’imparfait du subjonctif. De toute façon, j’aime  les mots quelle que soit la langue d’où ils proviennent et quel que soit l’endroit où on les pratique. Je considère tous les péquenots qui affirment que leur idiome est ce que l’esprit humain a fait de plus raffiné comme des ignorants atteints de surdité et de cécité congénitale, et je toise avec mépris les ploucs qui estiment que leur pays est le plus beau du monde sans en avoir vu plus de deux ou trois autres. Donc Bretons, Corses, Alsaciens et autres autonomistes/indépendantistes/souverainistes de toute étoffe, faites ce que vous voulez, je m’en cogne à partir du moment où vous ne faites pas de disques. Tout musicologue averti vous dira que l’insupportable folklore celtique est aussi celtique que Manuel Valls est de gauche. Alors si les Alsaciens s’y mettent, je ne réponds plus de rien et je reconsidère le djihad sous un jour nouveau.

Mais au lieu de dégoiser avec une cruelle mauvaise foi sur les imbéciles heureux qui sont nés quelque part alors que j’ai eu la chance de naître à Metz plutôt qu’à Nancy, penchons nous sur les motivations de nos voisins de droite (sur la carte et dans les urnes). Nos amis Knacks redoutent que si l’Etat jacobin et dictatorial leur impose un mariage forcé avec Lorraine et la Champagne-Ardennes, l’identité alsacienne pourrait disparaître, le régime local d’assurance-maladie pourrait sombrer, les cigognes pourraient migrer en Suisse, et la langue alsacienne pourrait s’éteindre à petit feu. Et surtout, ces salauds de chômeurs lorrains pourraient envahir la deuxième région de France en terme de revenu disponible brut par habitant.  Un peu comme ces villes qui préfèrent payer des pénalités dérisoires au lieu de respecter la loi SRU sur les quotas de logements sociaux. Toutes ces explications fumeuses ont été avancées publiquement par les manifestants, je n’ai rien inventé à part pour les cigognes.

Cher(e)s camarades chômeurs/chômeuses de notre bonne vieille Lorraine, attendez un peu avant de faire vos bagages et de traverser la frontière imaginaire entre nos deux belles régions. Analysons tout d’abord les arguments des ressortissants de la future Elsass Frei. Qui empêche les Alsaciens de cultiver leur « identité »? Qui leur interdit de bâfrer de la choucroute en affublant leurs femelles de ces chapeaux ridicules comme de vulgaires talibans, qui les empêche de pratiquer et d’enseigner leur horrible sabir qui n’est ni vraiment de l’allemand ni du français? Qui les empêche de produire une bière encore plus dégueulasse que la pisse gazeuse qu’on vend sous le même nom en Angleterre et qui justifie à elle seule les revendications écossaises? De même, pour des gens qui revendiquent leur particularité, pourquoi votent-ils avec tant de ferveur pour un parti d’extrême-droite plus français tu meurs (et moins français tu te fais ratonner avant de mourir)?

S’agissant du régime local, il n’a pas cours que chez vous, bande d’égoïstes. En Moselle aussi, on est persécuté par les curés dès l’enfance, et le pape François aura autorisé le mariage des homosexuels dans sa boutique avant qu’un politique quelconque ne s’attaque à cette aberration (le Concordat, pas le mariage). Quant au régime de sécurité sociale, vu l’amour que portent les socialistes à la sécu, on peut parier qu’il disparaîtra, fusion administrative ou pas, et quoiqu’il en soit de sa bonne santé. Enfin, si l’Alsace se porte si bien au niveau économique, c’est bien parce qu’elle jouxte Allemagne et Confédération Helvétique, lui accordant une place de choix au cœur de l’Europe riche et permettant aux prolos de donner une touche d’exotisme à leurs huit heures d’esclavage quotidien. Mais si tu intervertis le Limousin et l’Alsace, tu verras que les Limousins feront de la thune pendant que les Knackis gaveront de malheureuses oies et erreront dans les bois, épais et hirsutes, à la recherche de pommes et de truffes pour maintenir le taux de cholestérol qui fait de la gastronomie alsacienne une ode au gras à rendre Brillat-Savarin anorexique.

Alors qu’en Lorraine, mes ami(e)s, on a des atouts autrement plus intéressants. On a un des plus beaux massifs forestiers de France, au Sud de la région. On vous en prête même un bout par charité chrétienne. On vit relativement en bonne intelligence avec nos camarades défavorisés de la Meuse et de la Meurthe et Moselle, parce qu’on est pas des égoïstes comme vous, salauds d’Alsaciens. On partage notre chômage, nos usines désaffectées, notre liqueur de mirabelle, et on envoie seulement un échantillon de nos concitoyens bosser pour le reste de la région, parce qu’on a autre chose à foutre que de se faire exploiter par Merkel, Barroso et les nazis des alpages. On a été riches grâce aux banquiers florentins, aux prolos polonais, italiens ou maghrébins, on est resté pauvre tous ensemble, on a pas une seule langue mais plein de patois rigolos qu’on partage même avec le Luxembourg, et on n’en est pas plus fiers pour autant. On a une cathédrale plus belle que celle de Strasbourg, et la nôtre est bien terminée et pas laissée en plan comme un chantier de centrale nucléaire de Bouygues. On a un vrai artisanat local avec la plus vieille tradition d’imprimerie du pays et l’inestimable Francis Heaulme. On a un chant enfantin enseigné dans toutes les écoles à la gloire d’une croquante qui a traversé la région en sabots pour se faire trois capitaines et un prince, alors que le chant le plus connu d’Alsace est une vulgaire bluette marmonnée par les fachos de tous poils et bredouillée par les footballeurs comme quoi du sang impur coule dans les champs, ce qui cochonne invariablement les récoltes et les esprits. On a donné Jeanne d’Arc et Nadine Morano à la France, alors qu’on n’en a rien à battre, de toute façon on se fait envahir tout le temps. Totalement désintéressés qu’on est. On a bien quelques gogols qui voudraient une Lorraine souveraine, mais ils ont autant d’audience qu’un orthophoniste qui voudrait apprendre le français à un ressortissant de Riquewihr.

Alors finalement, chers autonomistes alsacien(ne)s, nous non plus on n’en veut pas de ce mariage. Chacun chez soi, c’est bien comme ça. Laissez au moins venir à nous les Alsaciens normaux, n’en faites pas de nouveaux malgré-nous (humour local).

Et tu sais quoi, je me demande même pourquoi on devrait partager la même région que ces baltringues de Nançois. Je vais te re-refonder la République Messine, moi, tu vas voir.

ShareShare on Tumblr

Retour à La Une de Logo Paperblog