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Ceux qui la sentent passer

Publié le 30 octobre 2015 par Jlk

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Celui qui sait par cœur toutes les notes de La Flûte enchantée / Ceux qui voient la musique en couleurs et notamment Messiaen et Debussy mais aussi Dutilleux et Arvo Pärt / Celui qui échappe au canard du doute à lèvres de vermouth en se repassant le 4e Concerto brandebourgeois / Celle qui se rappelle l’ami disparu avec lequel on écoutait le Göttingen de Barbara / Ceux qui te répètent qu’ils te reçoivent 5 sur 5 et dont le regard dit tout le contraire / Celui que Vivaldi met en joie alors qu’il n’est qu’épicier non mais t’y comprends quelque chose ? / Celle qui sait les pouvoirs érogènes des ragas de l’Inde / Ceux qui ne se doutent pas qu’ils ont l’oreille absolue et ne semblent pas en souffrir à vue de nez / Celui qui écoute le doux murmure des nonnes à la sieste / Celle qui prête son oreille à un mendiant aveugle qui lui sourit en entendant tomber la pièce / Ceux qui sont à l’écoute des démunis aux heures réglementaires / Celui qui fait semblant de ne pas entendre son heure sonner / Celle qui entend ce que lui disent les lèvres du sourd-muet aussi salace que bien foutu / Ceux qui laissent dire en souriant comme le bourreau qui retient le couteau pour le plaisir / Celui qui mâche du chewing-gum alors que la chanteuse de fado mime le désespoir de celle que son macho plaque pour une Islandaise rousse mais friquée de passage au Barrio Alto / Celle que son père richissime veut absolument faire opérer pour qu’elle devienne le soprano dramatico de ses rêves / Ceux qui écoutent la radio des voisins mais baissent la voix pour critiquer leurs émissions à la con / Celui qui a ce qu’on appelle deux voix dont il use parfois dans les soirées récréatives / Celle qu’on appelle le rossignol de la ZUP / Ceux qui dérogent à leur vœu de ne jamais manger d’oiseau en se tapant de temps en temps un bonne paire de cailles tirées les dimanches de brume / Celui qui entend la musique de l’ascenseur sans se douter que c’est du Monteverdi First Class / Celle qui laisse s’épancher la concierge avant de lui faire comprendre que son appareil audio n’est pas branché / Celle qui sait la partition de Violetta par cœur mais n’a pas encore trouvé l’homme qui la fera souffrir comme dans La Traviata / Ceux qui n’écoutent que leur courage hélas peu causant chez des retraités finlandais en saison morte, etc.


Image : Lucian Freud, La Mère.


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