Le journal du professeur Blequin (21)

Dimanche 7 janvier

20h10 : Une journée de triste anniversaire s’achève. Je l’ai passée à dessiner sans relâche, par réflexe et je n’ai pas trop souffert de la tristesse qui s’empare de moi habituellement quand je repense à l’assassinat de mes maîtres à déconner, ceux qui furent mes seuls vrais copains dans la grisaille raffarino-villepinienne où j’ai eu le malheur de passer mes années de lycée… Finalement, la meilleure chose à faire pour conjurer la mort de dessinateurs, c’est de dessiner soi-même.

20h15 : J’apprends la mort de France Gall ; si quelqu’un s’était permis aujourd’hui une remarque déplacée sur Cabu ou Wolinski, je l’aurais sans doute mal pris ; aussi ne ferai-je aucune remarque désobligeante ! D’autant que je ne suis ni triste ni gai, je m’en fous éperdument et je me suis toujours foutu éperdument de cette godiche insipide à la voix ridi… Bon ben désolé, je n’ai pas pu m’en empêcher. Je l’avoue : chaque fois que j’entendais une chanson de France Gall à la radio, j’avais des envies de meurtre ; mais je ne suis jamais passé à l’acte, parole !

21h : Tout le monde y a va de son commentaire sur les malheurs de Yassine Belattar : je pourrai me joindre au débat mais j’en ai ras-le-bol de toutes ces polémiques bidon qui ne servent qu’à donner de l’importance à des amuseurs de troisième zone ; si tous les chastes qui s’offusquent chaque fois qu’un comique « dépasse les bornes » écoutaient pendant deux minutes les regrettés humoristes américains Bill Hicks et George Carlin, ils mourraient aussitôt d’apoplexie ! Tout le monde y va de son commentaire sur l’interdiction annoncée des fake news mais j’en ai ras-le-bol de toutes ces lois bidon qui ne servent qu’à détourner l’attention des vrais problèmes de société ; le regretté Jean Yanne disait en son temps que si les journalistes ne parlaient que de ce que font concrètement les hommes politiques au lieu de guetter la moindre de leur déclaration, les journaux seraient considérablement allégés : quinze ans après la mort de Jean Yanne, on en est toujours là ! Tout le monde y a va de son commentaire sur la mort de France Gall mais j’en ai ras-le-bol de cette obligation à peine tacite de s’agenouiller devant tous les ringards de la variétoche franchouillarde sous prétexte qu’ils meurent alors qu’ils n’ont jamais vécu ; il n’y a qu’en France qu’on s’imagine que la variété française a de l’avenir, mais il faudrait un microscope pour mesurer l’apport réel de Michel Berger, de Johnny Hallyday ou de France Gall à l’histoire de la musique !

Lundi 8 janvier

20h : Hier soir, j’ai aperçu Charles Aznavour à la télé : oui, je dis « aperçu » parce que je suis juste passé en coup de vent devant un poste allumé ; de surcroît, il est tellement petit qu’on le voit mal ! En tout cas, si c’était bien lui, ça montre que tous les ringards de la variéré française ne sont pas morts ! Ben oui, je dois faire partie des rares à être totalement insensible aux chansons du « petit Charles » et à les trouver chiantes à mourir. De toute façon, à quelques exceptions près, la chanson française est bonne à jeter et ce n’est pas un(e) ringard(e) de plus ou de moins qui va y changer quelque chose !