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Homophobie et colis piégés : parlez, il en restera toujours quelque chose (hélas !)

Publié le 28 octobre 2018 par Legraoully @LeGraoullyOff

Homophobie et colis piégés : parlez, il en restera toujours quelque chose (hélas !)Dernièrement, sur France Inter, l’excellente Sophia Aram a commenté la récente recrudescence d’actes homophobes en expliquant pourquoi on peut (et doit) établir une corrélation entre ces agressions et les paroles discriminantes proférées dans le cadre du débat sur l’élargissement du droit à la PMA. Ce n’était pas la plus drôle de ses chroniques mais c’était assurément l’une des plus justes ; elle y a déclaré notamment que « tout discours fondé sur la discrimination est porteur d’une violence intrinsèque, d’une violence contenue dans l’ADN même la discrimination et que cette violence finit toujours par s’exprimer. » Alors là, je dis merci ! Merci à toi, belle Sophia, d’avoir enfin mis des mots sur ce que je voulais répondre aux défenseurs des néo-réacs depuis des mois ! En effet, chaque fois qu’on essaie de faire comprendre aux idiots utiles des Zemmour, Dieudonné, Finkielkraut et consorts à quels points les horreurs que profèrent leurs idoles sont intolérables, ces crétins invoquent la liberté d’expression : ce qu’ils sous-entendent en détournant ainsi la liberté au profit des ennemis de la liberté, c’est que les discours de ces derniers ne seraient « que » des discours et qu’on devrait pouvoir les laisser s’exprimer tant que ça ne se traduit pas par des actes. En clair et pour prendre un exemple, on aurait le droit de dire « mort aux Juifs » tant qu’on ne s’en prend pas physiquement aux Juifs. Homophobie et colis piégés : parlez, il en restera toujours quelque chose (hélas !)

Les défenseurs des néo-réacs nient donc la puissance performative du verbe : ils nient le fait qu’à partir du moment où une parole a été prononcée, celle-ci ne peut pas être sans conséquences concrètes, fussent-elles larvées. A partir du moment où la discrimination à l’égard des femmes, des immigrés ou des homosexuels a été légitimée verbalement dans l’espace public sans rencontrer de véritable contestation, il n’y a aucune raison pour que cette discrimination ne soit pas appliquée concrètement, fût-ce par un déséquilibré en mal d’action ! Empêcher la légitimation verbale de la discrimination, ce n’est donc pas agir en ennemi de cette liberté, c’est au contraire préserver la liberté des personnes visées par ladite discrimination. Quand des débiles agressent une personne sous prétexte qu’elle est homosexuelle ou d’origine étrangère, les néo-réacs jurent leurs grands dieux qu’ils n’y sont pour rien : il est vrai qu’ils n’appellent jamais ouvertement à accomplir de tels actes mais, en ouvrant la boîte de Pandore de la discrimination, ils n’en banalisent pas moins la violence envers tout ce qui ne ressemblent pas à un « mâle blanc » et il devient pour ainsi dire inévitable que la société récolte ce que les néo-réacs ont semé.

Homophobie et colis piégés : parlez, il en restera toujours quelque chose (hélas !)
Je repensais à tout ça en apprenant qu’aux États-Unis, des personnalités du parti démocrate, à commencer par Barack Obama et Hillary Clinton, ont été visées par des colis piégés qui ne leur sont heureusement pas parvenus. Donald Trump a évidemment condamné ces actes qu’il n’a certainement pas commandités : mais ce que Mister President feint d’oublier, c’est qu’il y a quelques jours à peine, il était le premier, dans le cadre de la campagne pour les élections de mi-mandat, à diaboliser ses adversaires démocrates, à divulguer les pires délires à leurs sujets, allant jusqu’à dire qu’ils allaient transformer les États-Unis en Venezuela. S’il n’avait pas tenu de tels discours, est-ce que des abrutis se seraient quand même sentis légitimés à tenter d’assassiner les personnalités qu’il a présentées comme un danger pour son pays ? Rien n’est moins sûr… Bref, ce qui vient de se produire outre-Atlantique montre que tout discours, quel qu’il soit, n’est jamais innocent : il est forcément suivi d’effets. Et il serait grand temps de mesurer nos paroles si on ne veut pas sombrer dans le chaos généralisé…


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