Finalement, c’est idiot la retraite…

Un retraité, c’est quoi ? C’est un type qui s’emmerde. Ou alors, et c’est au moins aussi fréquent, un type qui est plus débordé que jamais parce qu’il éprouve enfin le besoin impérieux et urgent de réaliser tout ce qu’il n’avait pas eu le temps de faire quand il travaillait, comme s’il avait attendu la fin de sa vie pour enfin commencer à vivre. Enfin attention : quand la garde des petits-enfants lui en laisse le temps. Parce qu’un retraité, s’il n’a pas eu la présence d’esprit de noyer ses enfants à la naissance ou, au moins, de leur apprendre à ne pas faire les mêmes conneries que lui, est aussitôt enrôlé comme nounou bénévole par sa descendance, comme un jeune parent assez maso pour faire des heures supplémentaire quand il a déjà au moins trente ans de plus…

Et une retraite, c’est quoi ? Ne cherchez pas : c’est une aumône que l’Etat et le Capital vous accordent après vous avoir exploité jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à tirer de vous. C’est tout. On vous a pressé comme un citron, on peut jeter la peau. Ceux qui s’honorent d’avoir travaillé toute leur vie me font rire jaune : vous en êtes fier, d’avoir sacrifié quarante ans de votre vie pour faire tourner la machine capitaliste ? Vous avez fabriqué des tonnes d’objets inutiles, vous en avez consommé à peu près autant, vous avez pollué la planète, vous y avez sacrifié vos rêves et votre santé, tout ça pour avoir le droit de toucher une pension qui paiera votre chambre dans un EHPAD où votre décrépitude sera cachée aux jeunes qui n’iraient probablement plus travailler s’ils savaient mieux dans quel état on termine une vie de labeur…

En fait, la retraite, c’est bon quand on a une vie de merde. Il vaut mieux se faire une belle vie le plus tôt possible et ne pas remettre ça à demain. Il vaut mieux vivre ici et maintenant au lieu d’attendre un âge où on risque d’être trop souffreteux pour accomplir quoi que ce soit. Mais bien sûr, pour ça, il faut quelque chose que tout le monde n’a pas. Ce n’est pas du courage. Ce n’est pas non plus de l’intelligence. C’est de l’imagination : assez d’imagination pour ne pas mener une vie bêtement normale, avec la bagnole et le pavillon achetés à crédit, un boulot dont on ne perçoit pas soi-même l’utilité, un écran plasma pour se liquéfier, après huit heures de boulot abêtissant, ce qui nous reste de cervelle devant le foot ou Hanouna… Bref, assez d’imagination pour ne pas « perdre sa vie à la gagner », comme le dit l’expression consacrée, ni continuer à faire vivre un système autodestructeur : il semble que les zadistes, si souvent décris par des médias conformistes, ou les jeunes qui suivent l’exemple de Greta Thunberg ne s’y sont pas trompés.

Bon, je suis peut-être un peu dur avec les retraités : après tout, j’en compte beaucoup dans mes relations, j’ai même débuté l’année en pleurant ma grand’mère adorée. Mais comprenez-moi : je n’ai « que » 31 ans et je commence donc à être fatigué qu’on ne me propose pas d’autre débat de société que celui des retraites (les polémiques bidon sur les migrants et le port du voile, ça ne compte même pas). J’ai parfois l’impression qu’en France, comme disait Quino à propos des vieux Argentins, on regarde l’avenir avec la nuque…