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Le journal du professeur Blequin (65)

Publié le 07 mars 2020 par Legraoully @LeGraoullyOff
Le journal du professeur Blequin (65)

« Stèle provisoire » (détails), installation d’Isabelle Audouard exposée actuellement aux Abords.

Jeudi 5 mars

18h : En raison de la grève de la recherche, l’AG de mon labo a été reportée : ça m’a laissé du temps pour faire le ménage en grand dans ma tanière et mettre la dernière main à des articles que j’avais en projet depuis déjà quelques semaines. Et oui, je n’ai pas respecté parfaitement la grève ; j’aurais pourtant des raisons de me plaindre de mon sort, à peu près les mêmes qui ont conduit d’autres jeunes chercheurs à se mobiliser aujourd’hui. Pourquoi je n’en fais rien ? D’une part parce que j’ai reçu une éducation qui me dissuade de me révolter et d’autre part, parce que je ne suis pas vraiment malheureux : certes, je ne gagne pas beaucoup d’argent, mais après tout, qu’est-ce que j’en ferais ? Je n’ai pas de femme, pas d’enfant à nourrir, je n’ai pas de dettes, pas de voiture à payer, pas de crédit au cul… Bref, je n’ai rien à perdre et, en fin de compte, j’aime mieux me faire gruger en faisant quelque chose qui me passionne que me faire engraisser pour un boulot qui m’emmerde ! Devenir un chapon de la classe moyenne qui regarde Hanouna, trimballe les mômes à Disneyland et attend la retraite, ça ne m’intéresse pas, et si c’est tel est l’avenir meilleur que nous proposent les syndicats, et bien ce sera sans moi ! Je pousse même le vice jusqu’à me rendre à la faculté : à ma décharge, je ne suis pas le seul, de jeunes doctorants de ma connaissance sont venus y travailler, et puis moi, c’était pour assister au vernissage d’une expo parce qu’une amie tenait à m’y retrouver. C’était peut-être la grève de la recherche, mais je ne ferai jamais la grève de l’amitié !

Vendredi 6 mars

Le journal du professeur Blequin (65)

Elodie Lanceron et son directeur de thèse, Yann Mortelette.

14h : J’assiste à la soutenance de thèse d’Elodie Lanceron, une ancienne collègue d’études (nous nous étions connus en licence de lettres) qui, dans le cadre de son doctorat, a rédigé une biographie de Catulle Mendès, un écrivain français du XIXe siècle en voie de sortie de l’oubli : elle y démontre que cet auteur, que l’on a longtemps cru mineur, a pourtant joué un rôle d’homme-orchestre au sein de la vie intellectuelle et artistique de son temps. Je ne le connaissais moi-même qu’en tant qu’historien de la Commune, j’apprends donc beaucoup au cours de cette soutenance à laquelle sont venus d’autres anciens étudiants, de la même génération qu’Elodie et moi-même, et aussi quelques-uns de nos anciens professeurs, à commencer par Pierre-Jean Dufief qui fait même partie du jury, de sorte que cette soutenance avait des allures de réunion d’anciens ! Une fois Elodie reçue avec succès (je n’en suis pas étonné), au cours du traditionnel pot de thèse, je sympathise avec certains de ses concitoyens de Plougastel-Daoulas qui avaient fait le déplacement et me disent faire partie d’une liste de gauche défiant le maire sortant de leur commune, Dominique Cap : le peu que je sais de ce bonhomme me suffit à leur souhaiter de réussir, leur ville mérite mieux. Mais je n’ai pas plus envie pour autant de les imiter : je les envie de croire encore que l’engagement politique en vaut la peine…

Le journal du professeur Blequin (65)


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