Les grippes asiatiques, la quantité et la qualité.

De tous les côtés, j'entends depuis quelques semaines revenir en boucle cette phrase choc:

' Nous vivons, à cause de cette épidémie du coronavirus, la plus grave crise sanitaire que le monde ait connu depuis cent ans'

Or, cette assertion représente manifestement une contre-vérité.

En 1957, la grippe de Hong-Kong a fait deux millions de morts, dont au minium 50000 morts en France ( et certainement plutôt 100000)

En 1968, la grippe asiatique a fait au minimum un million de morts à travers la planète, dont 30000 en France.

Nous nous situons, en ce qui concerne le coronavirus, encore bien loin de ces chiffres.

Pourtant cette phrase, indubitablement fausse, tourne sans interruption sur le net, à la télé, à la radio, dans les journaux. Elle constitue même le substrat fondamental, l'ultime justification à toutes les émissions spéciales, les numéros hors-série consacrés au sujet.

Pourquoi se répand-elle ainsi?

Vous me direz: ' C'est un détail! Le journaliste s'est laissé coupablement emporter par son lyrisme, son amour du sensationnel'

Sauf que - appelons un chat un chat - .c'est un mensonge qui se répand

Un mensonge c'est à dire une phrase mathématiquement fausse.

Donc voilà le constat de départ: les agents médiatiques ont besoin d'en faire des tonnes, quitte à mentir.

Maintenant, venons-en à la question centrale: pourquoi décide-t-on d'en faire des tonnes sur un sujet et pas sur un autre? Qui le décide? Y a-t-il, derrière les groupes de média, des gourous, des apprentis-dictateurs qui choisissent de quelles avanies ont va gaver la population? Je pense que non, au fond.

Les choses se font, comme cela, dans un vaste emballement collectif et irrationnel, à l'intérieur duquel les acteurs médiatiques se trouvent eux aussi entraînés sans contrôle.

A la source de tout, il y a ce besoin de parler, ce besoin absurde de faire une émission chaque jour (quand l'émission est journalière), ce besoin de publier chaque jour sur son réseau social ( il faut de l'activité autour de son compte), ce besoin ontologiquement absurde de ne pas rester muet à la radio ( le silence à la radio équivaut à une absence de service, le client va donc légitimement quitter le bateau)... Il faut trouver des choses à dire... Alors on y va. On cherche des thèmes porteurs, des thèmes qui portent potentiellement en eux des trésors en terme d'occupation d'heures d'antenne...

Et c'est parti pour en faire des tonnes semaine après semaine sur les gilets jaunes... avec les conséquences que l'on sait ( amplification disproportionné d'un phénomène de société qui aura été amintenu pendant des mois en coma artificiel sous assistance médiatique) .

Et c'est parti pour du coronavirus H24 jusqu'à ce que 70 millions de français en viennent à se lever, à penser, à dormir coronavirus...

Voilà bien comment fonctionne la nouvelle propagande, voilà bien comment on lave véritablement les cerveaux, de nos jours, dans la vraie vie. En en faisant des tonnes.

Les gens en 57-58 n'étaient pas moins compatissants, moins empathiques que les hommes d'aujourd'hui; ils menaient simplement des vies plus isolées, plus silencieuses, moins saoûlés de matraquages journalistiques: ce n'était sûrement pas idéal, ils étaient beaucoup moins bien informés, on pouvait beaucoup plus facilement leur cacher des choses - les coronavirus et le reste - ils avaient en un sens bien peu conscience du monde; ils pouvaient même se passer des choses très graves juste à côté de chez eux sans qu'ils n'en sachent rien.

Cette crise du cornavirus nous prouve que le monde a changé de ce point de vue, mais nous n'avons pas, pour autant, basculé de l'enfer de la non-information au paradis d'une information complète et équilibrée.

Pour illustrer ce qui fait, selon moi, la spécificité de la situation actuelle, je prendrai une comparaison alimentaire: en 57-58, du point de vue informatif, les gens n'avaient pas grand chose à se mettre sous la dent, aujourd'hui ils sont gavés de nourriture - mais toujours les mêmes aliments mystérieusement sélectionnés ( simplement le fruit du hasard?) qu'on leur fait avaler toute la journée à dose gargantuesque.

Non, nous n'avons pas basculé au paradis du citoyen bien informé. Parce qu'a été introduit au départ de ce changement de monde un axiome fallacieux: il fallait qu'il y ait la quantité - et c'est le perpétuel défaut du système capitaliste qui refait surface; toujours préférer la quantité ( intrinsèquement plus facile à atteindre) à la qualité.

Si vous partez de ce principe, si vous devez donc nourrir sans interruption un individu - face à un tel cahier des charges, il n'est pas pensable de varier éternellement les plats en veillant à leur équilibre nutritionnel - le plus simple à mettre en oeuvre, c'est de lui servir des trucs que vous pourrez écouler par camion entier: des pâtes - et uniquement des pâtes - pendant six mois, puis uniquement du riz... Vous allez sûrement un peu exagérer avec les pâtes et le riz, mais bon tant pis, au moins en tant que fournisseur de nourriture vous avez un peu de visibilité...

Et bien sûr vous ne pourrez pas dire que votre individu est sous-alimenté, qu'il va - comme ses prédécesseurs de 57-58 - manquer d'informations... Non, certes pas.

Au départ, il y a une simple erreur de logique.

On voulait, pour l'homme de 57-58, ce qui lui manquait cruellement: plus d'informations de meilleure qualité. On n'avait pas dit ' n'importe quelle information par wagon entier, du matin au soir sans interruption'.

Je termine par un voeu pieux: nous en sommes arrivés à un point où, à mon avis, une meilleure qualité d'information passe par moins d'information. Par plus de silence.

Que peut bien apporter, pendant trois mois, la diffusion, chaque jour et en direct - la tête dans le guidon et sans aucun recul - de 90 émissions d'une heure, exclusivement consacrées à la pandémie dans le monde?

Que peut -il en rester?

Et la même logique s'applique du côté des réseaux sociaux.

Les multimilliardaires de facebook - qui par ailleurs ont le culot de ne pas nous épargner leurs hypocrites discours humanistes - privilégient la même logique de la quantité.

Selon moi, tout irait tellement mieux si on arrêtait de fournir aux gens des tuyaux ouverts en permanence - donc stop à facebook, à instagram...

Tiens, imaginons un nouveau facebook - ah bien sûr ce ne serait pas un facebook très propice à l'enrichissement capitaliste car son fonctionnement limiterait automatiquement les recettes publicitaires - dans lequel chacun aurait droit à un message toutes les semaines.

Appliquons juste ce simple précepte: on parle quand on a quelque chose à dire.

En marchant tout à l'heure dans la rue, me vient aux lèvres, sans prévenir, ce petit bout de 'l'Aventurier':

'... Avec l'ami Bill Balantine Sauvé de justesse des crocodiles'

Dans toutes ces histoires de super-héros, voilà bien ce qui au fond n'est pas tolérable: ce 'de justesse'.

Les super-héros sont systématiquement sauvés de justesse. A force de tant défier les lois de la probabilité, cela en devient vraiment déprimant, comme une insulte persistante à l'intelligence.

Je ne peux éprouver ni tendresse véritable ni sympathie pour ce genre de robots toujours artificiellement sauvés de justesse. Des robots? Pas des hommes en tout cas.

Du coup - du coup, mais allez vraiment savoir pourquoi - je me rappelle une phrase de C. qui m'avait, à l'époque où il l'avait prononcée, extraordinairement troublé.

Nous avions vingt ans, et, la soirée s'imprégnant d'un soupçon de nostalgie, nous en étions arrivés à ce point où défilait devant ...

Si on décide par exemple de dénombrer les matrices carrées de taille n comportant exactement deux '1' dans chaque ligne et dans chaque colonne ( avec partout ailleurs des zéros), c'est pour moi un problème neuf. Je n'y ai jamais réfléchi et peut-être même que personne avant moi n'y a réfléchi. Pourtant, on sent qu'il y a des relations à découvrir, on sent qu'il existe des liens originels. Je n'ai pas d'inquiétude: il existe forcément des choses à voir, à remarquer, à prouver. Les relations, les propriétés, les théorèmes concernant ce problème sont là depuis toute éternité comme la momie d'un pharaon dans une tombe restée inviolée: ils nous attendent, ils ne demandent qu'à être cueillis, ils ont été installés pour ainsi dire à l'aplomb de ce sujet avant même la venue sur terre du premier homme. Tout est là depuis toujours, des choses nous attendent dans l'ombre, il suffit de les découvrir. Les mathématiques ne sont pas un grand livre à f...

Je remercie Franck Antunes qui se trouve de fait à l'origine de cet article.

J'ai découvert, ce matin, la page de Franck à la faveur d'un billet qu'il a publié sur Le Club de La Cause Littéraire au sujet de sa lecture de 'John Barleycorn' de Jack London (1913).

Parcourant son mur, je découvre qu'il est fan de Bruce Springsteen, ce qui nous fait un point commun. Voulant me manifester auprès de lui, autrement que par un simple 'j'aime', j'ai écrit la première chose qui m'est passé par l'esprit, à savoir que je lui recommandais la lecture de 'Born To Run' l'autobiographie du Boss. Ce conseil - assez inutile car Franck a l'air d'être un vrai fan - m'a immédiatement fait repenser au grand hêtre pourpre.

Voilà ce que Springsteen en écrit vers la la fin de 'Born To Run', presqu'en guise de conclusion :

' Un soir de novembre, dans la période où j'écrivais ce livre, j'ai pris une fois de plus la voiture ...