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Le journal du professeur Blequin (169)

Publié le 04 septembre 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff

Le journal du professeur Blequin (169)Mardi 31 août

13h15 : Et voilà, les vacances sont finies, l’heure est venue pour moi de rentrer au bercail après un mois de farniente, dorloté par des parents aimants et toujours verts… J’ai déjà une dent contre le masque que je suis obligé de porter dans le train ! Je me console en me rappelant que j’ai reçu mes deux doses de vaccin et que j’aurai donc moins d’ennuis que les crétins qui refusent l’injonction sous des prétextes qui feraient rire les rebouteux du Moyen-âge… Je constate que je suis seul dans le wagon et je me permets de lancer joyeusement « y a pas foule » au contrôleur : grave erreur, ce brave fonctionnaire s’imagine que je veux converser avec lui, et comme il est trop content de trouver un interlocuteur dans ce train dont je suis alors le seul passager, j’ai bien du mal à me débarrasser de lui… Heureusement que d’autres voyageurs montent dès la station suivante pour lui donner de quoi s’occuper. A retenir : dans le train, ne surtout pas fraterniser si on veut avoir la paix.

Le journal du professeur Blequin (169)

15h30 : Changement au Mans ; après le TER, le TGV. Dans le TER, j’avais de l’air et de la lumière ; dans le TGV, j’étouffe, il fait sombre, je ne suis pas sûr d’aller tellement plus vite et, pour ne rien arranger, une gamine dissipée n’arrête pas de babiller et de gigoter. J’ai un mal de chien à me concentrer sur mon livre, dont la lecture n’est pourtant pas ardue : jusqu’à présent, en Sarthe, j’avais lu en plein air et je réalise alors à quel point la lecture était plus aisée dans ce cadre que dans un cocon étouffant où je dois, qui plus est, supporter la promiscuité avec des inconnus agressifs qui échangent des propos minables sur leurs téléphones portables… Et j’ai une révélation : je comprends enfin qu’il est illusoire d’espérer une quelconque élévation spirituelle dans un lieu clos et confiné et que l’être humain, parce qu’il n’est pas pur esprit, a vitalement besoin d’air et de lumière pour progresser. Les chrétiens avaient donc tout faux en bâtissant des cloîtres : si les moines devenaient aveugles à force d’écrire à la lueur d’une bougie, cet n’est pas un hasard, puisqu’ils se privaient d’eux-mêmes de lumière… La République aussi s’est trompée en bâtissant son école sur le modèle d’une caserne voire d’un sanctuaire : elle a mis les petits Français à l’ombre pour en faire des citoyens éclairés, il n’est donc pas étonnant qu’aujourd’hui, des gens manifestent contre le vaccin et que les émissions d’Hanouna aient du succès… Il m’aura fallu cette expérience anodine pour comprendre enfin ce que démontrait Albert Camus dans Noces et L’été : petites causes, grands effets !

Le journal du professeur Blequin (169)
18h : Dernier changement, à Nantes cette fois. Je reprends le TER où on ne me demande pas mon pass sanitaire et je prends subitement conscience d’une contradiction majeure : j’avais besoin de mon pass pour aller du Mans à Nantes quasiment à vol d’oiseau, mais pas pour faire un trajet deux fois plus long ! Car ce TER partant de Nantes dessert Redon, Vannes, Auray, Lorient, Quimper et, finalement, Brest : mine de rien, près de la moitié de surface cotière bretonne ! Ce n’est donc pas la distance parcourue qui détermine la nécessité (ou l’absence de nécessité) du pass sanitaire mais la nature du moyen de transport employé : si tu fais un trajet court en TGV sans avoir été vacciné ou testé, tu es un danger public, mais si tu fais un trajet long en TER dans les mêmes conditions, ça passe ! De prime abord, c’est n’importe quoi, mais en fait, c’est révélateur de la mentalité dominante au sein du gouvernement, essentiellement composé de « jeunes cadres dynamiques » aux dents blanches pour qui tout doit aller vite, à commencer par le président Macron lui-même, qui n’imaginent donc pas un seul instant qu’on puisse prendre le TER pour parcourir une longue distance : pour eux, le TGV est le train des « winners » qui n’ont pas de temps à perdre et bouclent un dossier urgent entre deux gares, le TER est celui des « ploucs » qui vont au village d’à côté pour rendre visite à leur vieille tante. Et bien sûr, il y a du mépris dans cette méconnaissance de la vie des Français…

Mercredi 1er septembre

Le journal du professeur Blequin (169)

9h30 : Je suis rentré assez tard hier soir : n’ayant presque plus rien à manger, je décide d’aller à pied jusqu’à l’hypermarché du centre ville histoire de ne pas perdre trop vite le bénéfice des marches quotidiennes en Sarthe. Chemin faisant, je suis surpris par la proportion importante de personnes masquées, y compris dans des rues très peu passantes, alors même que le port du masque n’est pas obligatoire en extérieur. On n’en a pas fini avec cette psychose…

10h : Petite pause chez un ami artiste qui m’en raconte de belles : j’apprends notamment que les passages pour piétons sont repeints avec des matériaux qui se dégradent au bout de trois ans et non plus cinq comme auparavant. Pourquoi ? Parce que les fabricants pratiquent aux aussi l’obsolescence programmée ! Dès qu’il y a du fric à se faire, plus aucun domaine n’y échappe, même le plus anodin : ils finiront par trouver un moyen pour que les travailleurs crèvent à quarante ans…

14h : C’est seulement après mon retour et mon déjeuner, relevant mes mails, que j’apprends le décès de Geneviève Gautier survenu dans la nuit du 14 au 15 août dernier ; que dire d’autre ? Reportez-vous à mon article publié avant-hier.

Jeudi 2 septembre

9h30 : Une fois encore, j’ai marché jusqu’à Bellevue pour aller à Guilers en bus. Il y a vingt minutes d’attente, je m’installe confortablement sur le banc, et je regarde passer les voitures devant moi… Jusqu’à ce qu’une petite vieille vienne s’asseoir elle aussi : elle me demande quand le bus arrive, je lui réponds de façon aimable mais assez sèche néanmoins pour qu’elle me laisse tranquille ; raté, elle se met à me raconter sa vie, à me dire qu’elle n’a plus rien à manger, qu’elle doit prendre le bus pour aller se réapprovisionner et gnagnagni et gnagnagna. Je n’ose pas envoyer paître une vieille dame qui doit souffrir de la solitude, mais après le coup du contrôleur de mardi, je me dis que je dois avoir une bouille qui n’inspire pas le respect : sinon, pourquoi tous les solitaires de la planète me verraient-ils comme leur providence ?

Le journal du professeur Blequin (169)
12h : Retour à Lambézellec où je distingue nettement, sur un bus, une publicité qui m’avait quelque peu intrigué ; je ne me rappelle plus exactement du produit qui y est vanté (c’est dire si ça m’intéressait) mais je me souviens bien que l’astuce (hum !) était d’illustrer le slogan « au poil » avec la photo d’un homme arborant une longue barbe noire… Non seulement l’idée dénote une créativité plutôt limitée mais, de surcroît, je ne pense pas qu’une telle image soit du meilleur goût à l’heure où les Talibans ont repris le contrôle de l’Afghanistan, avec les conséquences fâcheuses que cela suppose pour les femmes qui y habitent (faute d’y vivre)… Cela dit, je n’en suis pas étonné : avec tous les mâles blancs, chez nous, qui crient au fascisme dès que les femmes luttent pour leur dignité, il est étonnant qu’on ne soit pas déjà dans un pays islamiste ! Si les Talibans jouaient au foot, mangeaient du porc et buvaient de la bière, ils s’entendraient sûrement avec tous ces beaufs qui battent leurs femmes…

Vendredi 3 septembre

19h : Malgré le soleil qui brille généreusement, voilà une journée et demie que je reste chez moi à dessiner : je n’avais quasiment rien fait pendant les vacances, il était grand temps de rattraper le temps perdu. J’ai ainsi finalisé dix-sept images dont sept en couleurs : c’est là que j’apprécie d’avoir une planche à dessin inclinable qui ne me casse plus le dos et des encres colorées qui me permettent enfin d’avoir des couleurs éclatantes de manière facile et rapide. La seule ombre au tableau apparaît quand je me lance dans l’opération numérisation : non seulement mon scanneur voit des nuances là où j’étais sûr d’avoir fait un aplat uniforme mais, par-dessus le marché, il s’amuse régulièrement à s’interrompre en plein élan. Comme le couvercle ne tient plus, je suis obligé supporter ça dans l’obscurité tout en comprimant le dessin à scanner à la main pour qu’il soit bien aplani… Bref, je donne mon premier coup de poing sur la table de la saison : je me rappelle pourquoi l’informatique me manquait si peu…


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