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Le journal du professeur Blequin (182) Marre de tout !

Publié le 04 décembre 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff
Le journal du professeur Blequin (182) Marre de tout !Deux des comédiens de la pièce à laquelle j’étais censé assister – la photo est ratée, désolé.

Samedi 27 novembre

14h : N’ayant trouvé aucune solution pour rentrer du Mac Orlan malgré la grève des bus, je me rappelle subitement que je suis en relation via Facebook avec deux des comédiens de la pièce à laquelle j’ai été invité : je leur envoie donc un message pour leur dire que je ne pourrai pas venir. Peu après, j’ai la réponse, ils me promettent de prévenir la personne chargée de l’accueil qu’il ne faudra pas d’attendre… Je l’admets : les réseaux sociaux, c’est parfois utile. Parfois.

Dimanche 28 novembre

11h : Brève sortie à la boulangerie où je surprends une conversation entre une vendeuse et une cliente : la première exprime clairement qu’elle a eu le sentiment de sauter une année à cause de, je cite textuellement, cette « connerie de Covid »… Franchement, si on ne trouve que le mot « connerie » pour désigner ce que les médias et le gouvernement n’auront cessé, pendant deux ans, de nous présenter comme un fléau qui allait nous exterminer jusqu’au dernier, c’est bien la preuve que le virus en tant que tel aura moins affecté les gens que toutes les mesures débiles et contradictoires qui nous ont à ce point pourri la vie ! En sortant, je croise la une d’un nouveau journal appelé Le Franc-tireur qui se dit « antivax » et consacre sa « une » aux groupes islamistes financés par l’union européenne… Vous n’en avez pas marre, vous, qu’il n’y ait plus que les fachos et les complotistes qui s’expriment ?

Lundi 29 novembre 

17h : Dans le cadre de mes démarches destinées à faire vivre la mémoire de mon amie Geneviève, j’ai sollicité plusieurs chercheurs : deux d’entre eux me répondent qu’ils ne voient pas ce que j’attends d’eux. Il me semble pourtant avoir été très clair ! Il y a des jours où j’en ai un peu marre de courir après des gens qui ne répondent pas ou, pire, ne comprennent même pas ce que je leur demande…

Mardi 30 novembre 

14h : Visite chez une amie, qui fut par le passé ma professeur d’espagnol. Celle-ci m’en raconte de belles : premièrement, elle me parle d’une agence immobilière encore plus tatillonne que l’administration (c’est dire) dès qu’il s’agit de demander des documents aux clients mais qui laisse les maisons dont elle a la responsabilité se faire squatter par des SDF ! Et une entreprise à éviter, une ! Deuxièmement, elle me parle d’une jeune fille qu’elle compte parmi ses élèves et dont les arrière-grands-parents étaient des républicains espagnols en exil : son arrière-grand-mère a traversé les Pyrénées alors qu’elle était enceinte et a accouché dans le camp d’Argelès ! Et une pièce à ajouter au dossier, déjà accablant, de la France face à la guerre civile espagnole, une ! Troisièmement, enfin, je n’avais encore aucune personne grièvement affectée par le virus parmi mes relations : mon hôtesse m’apprend que mon ancien professeur de lettres a contracté un Covid long ! Déjà que cet homme avait vu mourir sa fille, c’est un coup à croire qu’il y a vraiment des gens sur lesquels le sort s’acharne… Et un coup à virer suicidaire, un !

Le journal du professeur Blequin (182) Marre de tout !
16h : Une fois rentré, je relève mon courrier : je découvre ainsi le dernier Fluide Glacial avec, entre autres, la dernière histoire de mes concitoyens brestois Julien Solé et Arnaud Le Gouëfflec qui, je l’avoue, me trouble. Je n’avais encore jamais pensé que la vaccination quasi-obligatoire pouvait rappeler le service militaire et son cortège d’humiliations de toutes sortes ! Il faut dire que j’appartiens à la première génération à laquelle on a épargné cette corvée aussi inutile que dégradante, l’un des rares bons points du bilan de Jacques Chirac à l’Elysée : en tout cas, ça suffirait à expliquer certaines réactions épidermiques… J’ai aussi reçu un avis de l’EDF m’annonçant le passage d’un technicien pour mercredi prochain : comme il faudra, ce jour-là, que je sois parti pour 17 heures, j’entreprends de téléphoner pour les prévenir. Bien sûr, j’ai droit à une musique d’attente pendant dix bonnes minutes, et comme je ne veux pas perdre du temps (j’ai un grand (par le format) dessin à terminer), je me retrouve avec le téléphone dans une main et un crayon dans l’autre… Et dire que mes parents et mes amis voient en moins un pataud maladroit !

Mercredi 1er décembre

11h : Commencer la journée en découvrant le traditionnel message de la CAF qui vous demande de « déclarer nos ressources trimestrielles », ce n’est déjà pas drôle. Si on a déjà dû, de surcroît, leur déclarer nos revenus mensuels, il y a quelques jours à peine, pour le calcul des aides au logement, on ne peut s’empêcher de maudire ces administrations d’un autre temps qui ne sont pas fichues de mutualiser leurs services : ils ne peuvent pas tout nous demander d’un coup ? Mais si, par-dessus le marché, le site de cette administration tatillonne (un pléonasme, excusez-moi) est en « maintenance » et vous oblige à attendre pour avoir le droit de vous débarrasser de cette corvée, là, je vous paie des guignes si vous n’avez pas envie d’entrer dans leurs locaux avec une kalachnikov ! Quelqu’un leur a dit, aux ânes de Pôle Emploi et de la CAF, que le temps que nous passions à nous plier à leurs caprices, nous ne pouvions pas le passer à chercher du travail ?

Le journal du professeur Blequin (182) Marre de tout !
13h45 : Je reçois le coup de fil de la « conseillère » Pôle Emploi. Je mets des guillemets car celle se rend compte assez vite qu’elle n’a pas beaucoup de conseils à me donner… Il faut savoir parler à ces gens-là : si vous leur dites que vous faites du dessin et des chansons, ils vont s’accrocher comme des poux et vous parler sur le ton qu’emploient les conseillers d’orientation pour convaincre les lycéens de faire une formation qui ne les intéresse pas. Si vous leur dites que vous écrivez dans la presse et que vous gardez un contact régulier avec l’université, ils n’insisteront pas ! Bref, me voilà tranquille pour au moins un an. Cela dit, je suis injuste avec cette femme : quand je lui ai dit que j’étais autiste Asperger, elle a compris qu’il ne fallait pas espérer me voir travailler dans un « open space ». Heureusement qu’il y a des ronds-de-cuir un peu moins bêtes que les autres !

17h : Je sors pour arriver à temps au cours du soir. A la sortie, je croise une motarde qui s’apprête à partir sur son engin garé dans le local à poubelles dont elle n’a même pas fermé la porte derrière elle ! Je crois que je tiens enfin la personne qui empuante les couloirs en laissant ouverte cette satanée lourde : une fois qu’elle est partie, comme je suis lâche, je ne peux m’empêcher de la traiter de connasse et je me dis qu’en fin de compte, le local à poubelles est sûrement l’endroit le plus adapté à sa bécane… Une fois dehors, je feuillette le dernier Côté Brest qui consacre un article à l’installation de caméras de surveillance en ville et fait part des réactions de certains de mes concitoyens. Celles-ci me consternent : les gens protestent… Contre le temps que la municipalité a pris pour mettre cette idée pourrie en application ! A les lire, Brest serait devenu le Bronx ! Je parie que la plupart de ces blaireaux se sentent « agressés » dès qu’un type avec un petit accent arabe leur adresse la parole ! Il se trouve même quelqu’un pour pronostiquer que « la police va arrêter les délinquants pour que la justice les libère dans la foulée » : inutile de demander pour qui ce gazier va voter en avril prochain, ça commence sûrement par la même lettre que « zéro » ! Bref, il ne se trouve plus que la Ligue des Droits de l’Homme pour prendre la défense de concepts obsolètes comme la liberté individuelle… C’est à se flinguer ! Je suis sûr que quand 1984, le roman de George Orwell, a été publié en France, les braves gens ont tout de suite pensé que personne ne laisserait jamais faire « une chose pareille » ; ils ne se sont pas trompés : ils ne la laissent pas faire, ils la réclament ! Est-ce qu’il se trouve encore quelqu’un pour penser un instant que si on donnait de vrais moyens à l’éducation, la délinquance régresserait, de même d’ailleurs que toutes les incivilités quotidiennes comme celle de la motarde dont je parlais il y a un instant, ainsi que la peur de l’autre qui amène tant de volailles à publier des commentaires débiles ?

20h15 : J’arrive au Café de la Plage pour une scène ouverte. J’ai le douteux privilège de passer après un chanteur et guitariste espagnol qui « assure comme une bête » : en comparaison, mon numéro de slameur risque de paraître un peu nouille, d’autant que mes vers seront insuffisants à faire gambiller la petite fille qui dansait comme une folle au son des chants et des guitares… Pourtant, quand je sors ma toute dernière création, intitulée « Tout commence en Finistère », suivie de deux autres textes, le public semble m’être favorable. Dans l’estaminet, personne ne porte de masque et on ne me demande même pas mon pass sanitaire : ça fait plaisir de retrouver la place Guérin en vie ! Je me sens bien, et pourtant, je pars au bout d’une heure de présence pour pouvoir passer à la friterie avant la fermeture : une fois arrivé, on me fait savoir qu’à cette heure-ci, tout ce qui est servi est à emporter ; le temps qu’on me serve, le bus est déjà passé et je dois attendre une demi-heure pour le prochain… Je dîne donc sous l’abribus, dans le froid et l’humidité, en compagnie de jeunes filles qui partagent ma consternation face à ces horaires capricieux, et je me promets de mieux m’organiser la prochaine fois.

Jeudi 2 décembre

11h : Je me lève enfin, ouvrant l’œil avec peine. J’aurais dû me coucher tout de suite en rentrant, mais j’étais trop impatient de classer quelques affaires avant de me glisser sous la couette. Il n’empêche que cette obèse matinée (on ne dit même plus « grasse matinée » dans un cas pareil), qui n’est pas tout à fait volontaire de ma part, m’inquiète et je me promets de me coucher très tôt ce soir.

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Vendredi 3 décembre 

9h30 : Je me lève. C’est « moins pire » qu’hier, mais je suis quand même déçu. La journée commence donc mal, d’autant qu’à cette heure-ci, je n’échapperai pas aux longues queues au marché. De fait, ça commence à la poste : je suis obligé d’attendre à l’extérieur, ce qui me laisse le temps de détailler la porte et de constater que l’affiche incitant au port du masque côtoie toujours l’autocollant rappelant qu’il faut se présenter à visage découvert ! Et on voudrait que je continue à obéir aveuglément à des règlements contradictoires… A la boulangerie, je suis retardé par un gazier qui réclame une part de chacune des tartes présentées en vitrine et qui s’étonne qu’on lui serve trois parts ! Il a trois tartes sous les yeux et n’en voit que deux : la vendeuse essaie de lui dessiller les yeux et c’est tout juste s’il ne refuse pas d’admettre l’évidence ! Quelle chance j’ai, d’assister à de si profonds débats intellectuels, n’est-ce pas ? Au marché, enfin, je fais la queue au stand de la fromagère : celle-ci a installé un auvent pour protéger ses clients de la pluie, mais les deux personnes qui y sont déjà occupent l’espace d’une telle façon que je ne peux pas m’abriter ; je leur demande poliment (si, j’en suis capable) de se décaler, mais ils ne comprennent même pas ce que je leur demande ! Et pourtant, j’aurais pu me passer de parler : ça se voyait, que j’étais en train de me tremper ! Il aura fallu l’intervention de la marchande pour qu’ils daignent me laisser de la place ! Et pourtant, ces deux types portaient des masques : qu’on ne me dise pas que cette pratique est motivée par le civisme et le souci de protéger autrui ! En rentrant, j’aperçois la nouvelle « une » du Franc-tireur, promettant un dossier sur les attentats fomentés par « l’ultra-droite » et déjoués par la police : ça s’appelle s’acheter une bonne conscience à moindre frais ou je ne m’y connais pas !

13h : En route vers la fac pour assister à une journée d’étude sur la guerre d’Espagne dans la BD. D’après les panneaux, le port du masque serait à nouveau obligatoire en centre-ville : excédé, je me jure de ne pas en tenir compte ! Quand je vois une de ces affiches proclamant que les gens porteurs du VIH peuvent désormais, grâce aux traitements, mener une vie normale sans transmettre le Sida, avec écrit en bas que la photo a été réalisée « dans le respect des consignes sanitaires, continuons à respecter les gestes barrière et gnagnagni et gnagnagna », je ne peux m’empêcher de donner un coup de pied dedans ! J’essaie même d’arracher un des panneaux appelant à porter le masque et j’arrive à faire sauter l’un des « colliers » par lesquels elle était attachée à un poteau… Le petit garçon bien sage que j’étais est bien loin, les mots d’ordre stupides et contradictoires l’ont tué…

18h30 : De retour au bercail ; les quatre interventions de la journée d’étude étaient de qualité, mais j’ai le moral dans les chaussettes : voir autant de gens masqués en si peu de temps m’a oppressé au plus haut point. Je risque un œil sur Facebook et je voix que la parole est monopolisée par les anti-vaccins et les commentateurs des primaire de la droite : consterné par ces âneries, qui n’ont plus aucune signification pour moi après tout ce que nous avons subi en moins de deux ans, je me promets de m’attarder encore moins qu’avant sur les réseaux sociaux ! Il parait que Ciotti et Pécresse sont arrivés en tête du premier tour ? Je m’en fiche, je ne voterai jamais pour un(e) des ces deux con(ne)s !

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