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Le journal du professeur Blequin (184)

Publié le 18 décembre 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff

Le journal du professeur Blequin (184)Dimanche 12 décembre

16h : Bref passage dans une galerie d’art pour y déposer des produits dérivés – le patron s’est proposé spontanément de les mettre en vente sans contrepartie, ce qui prouve qu’il y a encore de la solidarité entre artistes. Quand j’arrive dans la boutique, il y a déjà un autre collègue artiste : nous nous mettons néanmoins assez vite d’accord pour tomber les masques. Je suis sûr que les passants, qui peuvent nous voir à visage découvert par la vitrine donnant sur la rue, nous regardent d’un sale œil, mais je m’en fiche : le simple fait d’avoir pu voir de vrais visages humains m’a remonté le moral pour le restant de la journée !

Lundi 13 décembre

Le journal du professeur Blequin (184)

11h : A la demande d’un historien que j’ai entretenu de mes projets, je fais l’inventaire des archives de Geneviève Gautier qui sont à ma disposition : je réalise qu’il y a quand même un ou deux milliers de page que je dois encore relire et maquetter ! Autant dire que je ne suis pas rendu et je me demande si je ne devrais pas déléguer, mais je suis tellement maniaque que j’aurais du mal à accepter qu’une autre personne s’interpose entre moi et la mémoire de ma reine… Je ne suis pas au bout de mes peines ! J’aurais sûrement dû profiter des périodes de confinement pour avancer, mais j’étais tellement désemparé que j’en étais paralysé… Rien n’est simple.

Le journal du professeur Blequin (184)
Mardi 14 décembre

10h30 : Je m’étais exceptionnellement levé tôt en prévision du passage des bénévoles d’Emmaüs qui devaient venir enlever les cinq ou six sacs bourrés de fringues que je ne mettrai plus : je suis donc assez déçu quand je reçois un coup de fil m’annonçant qu’ils doivent reporter leur venue à cause d’un « cas contact » parmi eux… Dans la foulée, j’apprends que les inscriptions pour la Foire aux croûtes 2022 sont ouvertes… Mais que le port du masque y sera obligatoire  : dans ces conditions, pas la peine de m’inscrire, je ne pourrai pas y proposer de caricatures ! Alors bien sûr, j’ai des planches de salut pour compenser le manque à gagner. Bien sûr, je n’oublie pas qu’il y a un an à la même époque, nous étions autrement plus contraints qu’aujourd’hui. Mais tout ceci est quand même bien décourageant…

21h : J’ai finalisé 22 dessins en une journée ! C’est là que je vois le temps que je gagne en ne me connectant plus à Facebook qu’un jour par semaine : il n’y a pas si longtemps encore, j’aurais interrompu mon travail toutes les demi-heures pour relever mes notifications. Rester connecté en permanence n’a aucun sens : la vie, ce n’est pas comme sur les chaînes info en continu, il ne peut pas y avoir un événement digne d’intérêt toutes les cinq minutes ! C’est bien pour ça que les gens rivetés à leur smartphone me font pitié…

Le journal du professeur Blequin (184)
Mercredi 15 décembre

15h : Je termine de corriger mes « copies d’examen », disons ce qui en tient lieu dans le cadre de l’UE sur la BD où je suis intervenu. Il avait été demandé aux étudiants de faire un compte-rendu des cours et de proposer une analyse d’une bande dessinée : mon impression d’ensemble est consternante, il y a deux fautes de français par ligne, ceux qui ont compris mon cours (ce n’est même pas le cas de tout le monde) sont incapables de le restituer de façon cohérente… J’ai l’impression de m’être adressé aux Bidochon ! Quant à leurs réflexions « personnelles »… Non seulement ils traitent de sujets que j’abhorre au plus haut point (le sport, les mangas, les super-héros) mais ils ont pompé comme des Shadoks dans Wikipédia ! Noter les copies, ce n’est jamais drôle, c’est même ce qu’il y a de plus désagréable dans l’enseignement, mais là, j’hésite carrément entre le suicide et l’abandon !

Le journal du professeur Blequin (184)

18h : Aujourd’hui, au cours du soir, notre prof a eu la bonne idée de nous faire tirer le portrait entre nous à la lueur d’une bougie pour nous faire travailler les ombres et les lumières ; elle nous demande d’enlever les masques quand nous posons, mais elle prend quand même soin de demander si ça gène quelqu’un ! Ses scrupules l’honorent, mais, bien sûr, ça ne gène personne, au contraire : nous sommes tous très contents d’avoir un prétexte pour enlever ces saloperies ! Si nous faisions partie des ces volailles qui s’imaginent qu’elles vont crever dans d’horribles souffrances dès qu’elle croisent quelqu’un qui n’a pas de masque, nous ne passerions jamais nos débuts de soirée à un cours de dessin : nous resterions sagement chez nous devant nos petits écrans à nous informer en regardant BFM TV et à nous instruire en regardant Hanouna… Bref, au bout d’une heure et demie, seule une petite minorité d’élèves dessinant porte encore des masques. Rendez-vous dans une semaine pour constater l’hécatombe !

Jeudi 16 décembre

15h : En prévision de la fin d’année, j’ai décidé de faire le ménage en grand : après voir nettoyé mon intérieur de fond en comble, j’entame maintenant le tri de mes vieilles paperasses. Je découvre alors que, sur ce tas de papiers qui m’ont été envoyés par des administrations diverses et (a)variées, l’immense majorité est composée de documents obsolètes voire carrément inutiles ! Ce qui m’effare, ce n’est pas que je me sois senti obligé de les conserver malgré tout : c’est que l’Etat ait gaspillé ses sous pour me les envoyer ! Voilà sans doute la partie émergée du gigantesque gâchis des finances publiques ! Pire : je n’ai aucune garantie que ces documents aient été imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêt gérées intelligemment, ce qui veut dire qu’on utilise peut-être l’argent public (non, je ne dis pas « du contribuable », je ne suis pas poujadiste à ce point-là) pour détruire la planète ! Je réalise que je n’avais jamais vraiment compris la fin de Candide de Voltaire : c’est vrai que quand on connait le monde, on a envie de cultiver son jardin ! Je préfère donc ne retenir de cette journée que la satisfaction d’avoir gagné de la place grâce à ce nettoyage par le vide…

Le journal du professeur Blequin (184)
Un des premiers articles à m’avoir été consacrés : depuis, j’ai adopté une coupe de cheveux moins stricte…

18h : Je termine en classant les coupures de presse où il est question de ma modeste personne : mine de rien, il y en a beaucoup, les journaux locaux ont commencé à parler de moi en 2006, alors que j’étais à peine majeur, pour signaler une exposition de mes dessins à la médiathèque de Guilers, et il y avait déjà eu, l’année précédente, un reportage sur les journaux lycéens où ma participation à un fanzine avait été signalée ; la jeune fille qui s’était improvisée rédactrice en chef de cette modeste publication me désignait comme « le futur Plantu » et l’article avait été illustré d’une planche de mon cru… Puis je revois les années qui ont suivi, avec les expos, les conférences, les albums, les soirées où je suis monté sur scène… Il est difficile de ne pas être nostalgique de cette époque, encore si proche pourtant, où tout était plus facile : je me souviens des jours anciens et je pleure, je me sens soudain très proche d’un prince déchu…

Vendredi 17 décembre

10h : Une matinée de marathonien : après le marché (où il n’y a heureusement pas grand’ monde), je ne rentre même pas pour ranger mes courses, je me rends directement en centre-ville pour acheter le matériel dont j’ai besoin pour finir mon classement. Chemin faisant, je tombe sur une affiche du Télégramme évoquant l’hypothèse d’une sixième vague de Covid pour janvier, avec un point d’interrogation, et je ne peux pas m’empêcher de me dire : « Parce qu’il y en a eu une quatrième et une cinquième ? » Et oui, tant qu’il n’y a ni couvre-feu ni confinement, je ne vois rien de cette épidémie ! A part le port du masque, bien sûr, mais comme on a commencé à nous l’imposer avant même que la deuxième vague n’arrive, ce n’est même pas un signal parlant pour moi, c’est juste une emmerde dont je ne vois pas l’utilité… Bref : cette annonce m’aurait encore fait trembler il y a quelques mois, mais aujourd’hui, ça ne me fait presque plus aucun effet, et quand je constate que je suis déjà presque à jour de mes affaires à une semaine de Noël, rien ne vient gâcher ma satisfaction ! Je croise toutefois les doigts pour que rien ne vienne perturber mon agenda dans les jours à venir…


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