Dimanche 30 janvier
14h : Je profite d’un moment de calme pour lire le dernier Fluide Glacial : les « fluidosaures » Mo/CDM, Goossens et Boucq sont fidèles à leur excellence coutumière, ce dernier est même vraiment très fort pour arriver à me rendre sympathique un personnage de Pape ! Parmi les « jeunes », je craque pour les histoires dues à Dominique Hennebaut et Stella Lory : la première parce que les transformations physiques m’ont toujours fasciné et qu’il n’est pas mauvais de rappeler qu’aimer une femme ronde pour ses rondeurs, c’est encore l’aimer pour son physique et que c’est donc réducteur pour ne pas dire irrespectueux ; la seconde parce que je suis un célibataire qui aime l’être et que je ne peux qu’apprécier cette satire de la pression que la société exerce sur les personnes dans mon cas, dans le seul but de leur soutirer un maximum d’argent ; les deux tout simplement parce que ces deux auteurs ont bien du talent et c’est le principal.
Lundi 31 janvier
19h : Encore une journée qui a filé comme un coup de fusil, au cours de laquelle je n’ai rien fait de bien original : écriture pour Côté Brest, remise en page des écrits de Geneviève Gautier, encrage de quelques dessins… La vie d’un artiste n’est passionnante que pour celui qui la vit. Et encore !
Mardi 1er février
19h : Après une journée consacrée à finaliser mes derniers dessins laissés en chantier, j’apprends que Marine Le Pen est venue mettre son groin dans les affaires brestoises : elle a été assez mal accueillie, plusieurs manifestants ayant exprimé leur refus de sa venue ! Tant mieux si les récents et navrants événements, qui ne font pas honneur à la population de Pontanézen, ne font pas perdre la tête à mes concitoyens qui n’oublient pas quelle saine détestation du RN et de ses idées doit animer tout ami de la liberté… D’autant que les préconisations de la grosse truie de Saint-Cloud en matière de sécurité, on les connaît déjà : à peu de choses près, ce sont les méthodes que tous nos ministres de l’intérieur successifs ont employées et qui n’ont réussi qu’à aboutir au désastre actuel ! Le tout-répressif dans les cités sensibles, c’est comme le port du masque pendant une pandémie : ça ne sert qu’à rassurer quelques volailles mais ça ne résout en rien le problème, ça ne fait même que l’aggraver. On accuse d’angélisme ceux qui osent encore affirmer qu’en ouvrant des écoles, on fermera des prisons, mais il n’empêche qu’on n’a eu de cesse de fermer des écoles depuis au moins vingt ans et que le résultat est là ! Voilà déjà des années que l’on traite les quartiers « difficiles » comme on traitait jadis les Etats dictatoriaux d’Amérique du Sud, c’est-à-dire comme des « pays de sauvages où tout était permis » (pour reprendre l’expression de Reiser) et aujourd’hui, les faits donnent raisons aux « droits-de-l’hommistes-bien-pensants » qui empêcheraient les mâles blancs « d’agir avec fermeté » contre les « racailles » et les « géants noirs » des cités : quand on voit quels résultats concrets on obtient après toutes ces années de « manière forte », on se dit que ça vaudrait le coup d’enfin écouter ceux que l’on accuse de laxisme sous prétexte qu’ils préfèrent entretenir des profs plutôt que des flics…
10h : Je sors, pas vraiment de gaîté de cœur, mais j’ai plusieurs courses à faire en ville avant de devoir honorer un rendez-vous pour une interview. Les affiches électorales qui, vendredi dernier, couvraient encore le panneau d’affichage situé à deux pas de mon immeubles, ont déjà été recouvertes par des annonces de spectacles, et notamment pour le concert de Julien Clerc. Sans être particulièrement fan de ce chanteur (qui cache pourtant beaucoup de subtilité sous des dehors un peu légers), je trouve que son sourire remplace avantageusement le rictus de la politicienne que je surnomme Walkyrie Traîtresse… De façon générale, une affiche de concert recouvrant une affiche électorale rachète un peu tous les crimes que le gouvernement a perpétrés contre la culture ! Dix contre un que les Français ne s’y tromperont pas et préféreront soutenir les histrions qui les amusent que retourner voter pour les bandits qui les ont privés pendant plus d’un an de tout ce qui leur rend la vie agréable… Et croyez-moi, je le déplore, car je suis sincèrement attaché à la démocratie représentative, mais maintenant qu’un gouvernement qui se dit républicain leur a volé des mois entiers de vie, j’ai un peu de mal à expliquer aux Français qu’il faut voter pour préserver les libertés ! C’est dur d’être démocrate quand les élus du peuple sont des salauds…
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10h30 : Me voilà en centre-ville ; à ma grande surprise, les panneaux « port du masque obligatoire » sont toujours accrochés et le masque est encore abondamment porté. De deux choses l’une : ou bien j’ai sauté un épisode et la levée de l’obligation a été reportée, ou bien (et c’est plus probable) on n’a pas encore eu le temps d’enlever ces foutus panneaux et les gens continuent à le porter, au mieux, par incertitude ou, au pire, par habitude. De toute façon, ça ne change rien pour moi, je ne me couvrirai pas le visage pour descendre la rue Jean Jaurès !
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12h30 : Déjeuner à la friterie. L’accueil est un peu froid, j’imagine qu’on n’y a pas encore oublié la crise que j’ai eue en découvrant que mon pass sanitaire n’était pas encore valide… Je feuillette le dernier Côté Brest avec ma page « histoire » sur les grands voyageurs nés et / ou décédés à Brest, mais j’apprécie particulièrement l’article dans lequel Julien Saliou raconte comment il a vécu une journée sans portable. Le bilan est éloquent : il n’a presque rien raté et sa compagne l’a trouvé plus agréable à vivre que d’habitude ! En bas de page, il est question d’une femme qui vit au quotidien sans portable ; une clocharde dans un squatt ? Non, une commerçante qui exerce son métier en plein centre-ville ! On peut donc encore vivre dans portable « classique » et on voudrait me faire croire qu’on ne peut plus vivre sans smartphone, comme je le fais déjà ? Pas d’accord ! Dans le même journal, j’apprends l’annulation des festivités du nouvel an chinois, prévues aux Capucins : à cause du Covid ? Pas du tout : c’est parce que le lieu doit être préparé en vue du sommet mondial de l’océan qui sera ouvert par Macron ! Si j’étais un con bien élevé, j’écrirais qu’il faut bien que les grands de ce monde puissent se réunir pour traiter d’un enjeu aussi crucial : mais je sais pertinemment qu’aucune décision importante ne sortira de cette énième manifestation destinée exclusivement à permettre à des trous-du-cul encravatés de s’offrir un voyage et une orgie aux frais du peuple… Pour ces canailles, nous sommes tout juste bons à remplir leurs caisses en achetant des gadgets inutiles et à financer leurs caprices ! Et ils ne nous pardonnent pas que nous puissions nous amuser autrement qu’en leur donnant notre argent : quand ça ne leur profite pas directement, soit ils le prohibent, soit ils le disqualifient comme « non essentiel »…
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15h : Rendez-vous au café de la plage pour interviewer Mequi, le grand ordonnateur des soirées « Mic Mac ». A part l’intéressé, l’un de deux patrons et moi-même, l’établissement est inoccupé : rien d’étonnant, il n’était pas censé ouvrir à cette heure-ci, Mequi a obtenu une sorte de « dérogation » de la part des tenanciers pour pouvoir m’accueillir en ces lieux. Découvrir vide un lieu que j’ai l’habitude de voir plein comme un œuf est évidemment un peu déroutant, mais j’oublie vite ces considérations quand mon interlocuteur m’explique l’organisation de ces scènes ouvertes (soit tout de même l’enjeu premier de notre entrevue) : son souci premier est que chaque participant dispose à peu près même du même temps pour s’exprimer, que le passage d’un numéro à un autre soit le plus fluide possible et que tous les artistes, toutes pratiques confondues, se sentent à l’aise, qu’ils soient professionnels ou amateurs, qu’ils aient ou non l’habitude de la scène… Bref, c’est dans cette salle trop petite pour être concernée par la limitation à 2.000 personnes que l’on retrouve les notions de bienveillance et de respect si étrangères à notre société (quoi qu’on en dise) : la solidarité, la vraie, n’a pas déserté le bas de l’échelle sociale, c’est à se demander pourquoi on se casse le cul à vouloir s’élever socialement ! Si c’est pour fréquenter des connards qui ne voient leur semblables que comme des clients à saigner ou des concurrents à écraser, merci bien !
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17h : En route pour l’annexe de l’école des Beaux-Arts, je remarque une pub pour une série qui, de toute évidence, s’inspire de la vie de couple de Pamela Anderson et Tommy Lee. Vous vous en doutez, la vie privée des people ne m’intéresse pas, mais comme je ne vis pas dans une caverne, je sais que le mariage de ce batteur de hard rock avec la star d’Alerte à Malibu a été un cauchemar pour cette dernière, monsieur ayant notamment fait de la prison pour avoir frappé madame alors qu’elle tenait un de ses deux fils dans les bras… Alors je pose une question : n’est-il pas UN PEU indécent de mettre en valeur une histoire de ce genre à une heure où tant de femmes continuent à souffrir de violences conjugales ? Désolé si j’ai l’air un peu moralisateur, mais j’estime qu’on n’a pas à rappeler qu’un bourreau a été aimé de sa victime, même si celle-ci est devenue riche et célèbre en montrant ses nichons à la terre entière : après tout, s’exhiber nue fait moins de mal que donner des coups de poing…
20h30 : Retour au Café de la plage, cette fois pour participer à la scène ouverte. Je fais trois slams, dont le tout nouveau « Voyage en Normalaisie », qui me permet de faire de la pub pour une conférence du même nom prévue dans trois semaines, et « Bienvenue en Finistère » qui plait décidément beaucoup : je ne sais pas si c’est dû au refrain chanté ou au fait que je flatte l’esprit de clocher d’un public fort attaché à sa région, mais bon, du moment que ça marche…
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21h30 : Je reste encore une heure, histoire de faire quelques photos pour illustrer mon article ainsi que quelques croquis sur le vif pour ne pas perdre la main. Trouver sa place dans ce genre de soirée n’a rien d’évident pour moi, autisme oblige : être correspondant de presse et artiste m’est donc d’un grand secours, les compliments que je reçois pour mes slams et mon coup de crayon m’aidant à me sentir à l’aise. On ne dira jamais à quel point le contact avec le public est indispensable pour les créateurs et que ce n’est pas en faisant des choses en « distanciel » (quel vilain mot !) qu’on compense son absence…
22h30 : Je me suis couché tôt car j’ai de la route à faire demain matin : je vais voir mon amie à Nantes. Je suis sur le point de m’endormir, je vais bientôt jouir du sommeil réparateur dont j’ai besoin pour affronter ce long trajet… Et voilà que cet imbécile de téléphone sonne ! C’est ma co-voitureuse qui me prévient qu’elle est obligée d’annuler son voyage parce que ses enfants ont le Covid… Si j’étais un con bien élevé, je lui répondrais que ce n’est pas grave, que je comprends tout à fait et que j’espère que ses petits anges vont survivre à cette terrible maladie… Mais je préfère ne rien dire de peur d’être injuste, car cet annonce m’énerve tellement que si je me laissais aller, je risquerais d’enguirlander une mère de famille respectable qui doit s’occuper tout seule d’enfants vraiment malades (car c’est possible, après tout) : oui, cette annonce m’énerve doublement, non seulement parce qu’elle m’oblige à trouver un autre co-voiturage en catastrophe alors que j’étais sur le point de trouver le sommeil mais aussi parce que j’en ai marre d’entendre parler du Covid comme si c’était le nouveau croquemitaine ! C’est triste à dire, mais j’ai l’impression que ce virus me pourrissait moins la vie quand j’étais confiné : au moins je n’étais pas obligé de fréquenter ceux qui en avaient un peur bleue ! En attendant, j’en ai pour des heures à me rendormir, maintenant…
Vendredi 4 février
14h : Départ de la gare de Brest à bord de la voiture d’un homme qui a à peu près mon âge, en compagnie d’une jeune femme : le premier travaille chez Bibus, la seconde à la maison d’arrêt. La conversation en arrive donc fatalement à aborder les récentes émeutes qui ont contraint les bus à rester au garage dès la tombée de la nuit : la demoiselle dit qu’elle a rencontré des jeunes qui ont participé à ces actes de violence et qui lui ont expliqué qu’ils VOULAIENT aller en prison pour être respectés dans leur quartier ! Ces jeunes sont dans le rejet complet des valeurs frelatées que le pouvoir tente de leur composer et je les comprends, mais en adhérant à celles des caïds de leurs cités, ils ne font qu’obéir à d’autres crapules… Ils seraient plus à plaindre qu’autre chose s’ils n’étaient pas aussi cons !
13h : Je suis depuis hier soir chez mon amie nantaise d’adoption : avec son mari, son fils et une copine, nous partons déjeuner dans un restaurant indien situé à proximité de sa maison. La nourriture y est délicieuse, mais l’hygiène de la salle, excessivement poussiéreuse, laisse quelque peu à désirer. Malgré ça, la serveuse insiste pour nous passer les mains au gel hydroalcoolique ! S’ils ont si peur des maladies, ils devraient commencer par nettoyer leur établissement ! Ce zèle prophylactique est d’autant plus déplacé que nous sommes les seuls clients et que notre table est à au moins six mètres du comptoir… Encore heureux qu’on y mange bien et que c’est bon marché !
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15h : Nous sortons en centre-ville. Nous partons à pied du château des ducs de Bretagne, direction le Hangar à bananes pour découvrir une exposition que mon hôtesse a envie de voir. Tout comme à Brest, le port du masque n’est plus obligatoire dans les rues, mais beaucoup de gens continuent à le porter… J’ai presque envie de le leur enlever de force ! Mais je m’abstiens car, au sein de notre petit groupe, nous ne sommes pas d’accord sur ce sujet : il y a ceux qui, comme moi, en ont ras le bol du masque et saisissent la première occasion venue pour s’en débarrasser, et il y a ceux qui continuent à avoir peur du virus et seraient prêts à le garder dans la rue ; inutile de gâcher une agréable sortie entre amis, d’autant que revoir Nantes en vie reste malgré tout une belle revanche sur ce qu’était la situation il y a un an à la même époque…
![Le journal du professeur Blequin (190) Le journal du professeur Blequin (190)](https://media.paperblog.fr/i/960/9604390/journal-professeur-blequin-190-L-7bDTiG.jpeg)
17h : Nous arrivons enfin à l’exposition que voulait voir mon amie. Au programme : de longues pièces de tissu suspendues pour former un espace au sein duquel est diffusée une vidéo ennuyeuse comme la pluie, une fausse automobile en torchis, une cabane qui inspire mon hôtesse pour celle qu’elle compte installer dans son jardin, des plaques bigarrées constituées de pièces de mousse, une vidéo montrant des gens s’empiffrer dans des quantités qui feraient s’empiffrer les protagonistes de La Grande bouffe… Le tout emballé, ça va de soi, d’un baratin pseudo-philosophique pour se donner l’air respectable auprès de notables qui, par définition même de ce qu’est un notable, ne seraient pas des notables s’ils pouvaient comprendre quoi que ce soit à l’art. S’ils assumaient publiquement qu’ils se font plaisir en donnant corps à leurs délires, les artistes seraient bien mieux considérés des gens intelligents plutôt que de ceux qui veulent s’en donner l’air ! Mais ils se foutent de toucher le public : ils veulent toucher le public qui a les moyens d’acheter leurs œuvres, et ce public-là, ça ne lui suffit pas d’être riche, il veut aussi qu’on le croie assez malin pour que ses privilèges soient légitimes, alors il achète du scandale qui n’est pas scandaleux, de l’insupportable qui lui donne l’impression d’être au-dessus de la « masse » qui ne voit que du moche là où la nomenklatura feint de voir du « dérangeant »… Bon, j’arrête, je suis injuste : tout n’est pas à jeter dans l’art contemporain, tout n’est pas forcément moche ou sans intérêt, ce n’est même pas le cas de tout ce que vois à cette exposition. Mais devant la vidéo exhibant des gens qui se goinfrent, je refuse catégoriquement de m’extasier et je ne vais pas m’y forcer sous prétexte que c’est exposé dans une galerie ! Comme disait Wolinski, « être un vieux con, et dire, comme Ingres : « n’étudiez le beau qu’à genoux », ça ne me déplaît pas… »
Dimanche 6 février
17h30 : Déjà rentré. J’ai du retard sur mon planning, mais je m’en fiche, la satisfaction d’avoir revu mon amie l’emporte sur toute autre considération. De toute façon, je n’ai reçu aucun message important pendant mon absence, je ne vais donc pas avoir du mal à me rattraper… Ce n’est pas demain que je m’achète un smartphone !