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Quand deux romanciers nous confrontent aux mystères de la religion

Publié le 22 avril 2023 par Jlk
Unknown.jpegUnknown-1.jpegAvec les même formidable culot, et malgré ce qui différencie, voire oppose, leurs visions respectives des tenants et aboutissants de la saga judéo-chrétienne, Metin Arditi, dans Le bâtard de Nazareth et Romain Debluë, avec La Chasse au cerf, proposent chacun leur interprétation de la vie et des enseignements de Jésus et des deux mille ans de débats, conflits, bienfaits spirituels et méfaits temporels liés à la supposée révélation et à ses avatars historico-théologiques ou philosophico-littéraires…Au premier regard l’on pourrait dire que nous avons là, sur la même ligne de départ éditorial, un vieux sage et un jeune fou.D’un côté, le bientôt octogénaire Arditi de grande expérience, Turc et juif séfarade d’origine mais en Suisse depuis sa jeunesse et qui a tout réussi en apparence (belles études scientifiques puis commerciales et, fortune faite, non moins brillante carrière littéraire dans la foulée, par ailleurs mécène et fort engagé dans les entreprises de bonne volonté), et de l’autre celui qui pourrait être son petit-fils pour l’âge, né en milieu littéraire romand (deux écrivains déjà dans la tribu Debluë) et tout en promesses personnelles, docteur en philo à moins de trente ans et signant aujourd’hui un véritable monstre d’intelligence et de porosité sensible de plus de 1000 pages.Dans la foulée cependant, l’on se demandera peut-être lequel des deux, de Metin ou de Romain, est le plus « jeune » du binôme, ou le plus hardi dans sa démarche – mais la comparaison n’est pas raison et nulle conclusion ne s’imposera. Lisons plutôt et rendons à chacun le salamalec qu’il mérite assurément…Plusieurs Christs, mais un seul Jésus…Le bâtard de Nazareth est en somme le fruit chrétien de l’arbre juif, qui résume le « message » de Jésus au fameux « aime ton prochain comme toi-même », en lui ajoutant « ton lointain », comme il est prescrit dans le Lévitique, troisième des cinq livres de la Torah.Aimer son prochain ne va pas toujours de soi, mais aimer son « lointain » est beaucoup plus difficile encore, et les docteurs de la loi en sont le meilleur exemple, qui prônent l’exclusion des enfants mamzer, comme ils appellent les bâtards, la lapidation des femmes adultères ou prostituées, rejettent aussi les lépreux menaçant d’affaiblir la vigueur de la tribu d’Israël autant que les miséreux de tout acabit. Sous prétexte que le Temple, symbole de la nation reconstruite au dam des païens, doit être préservé des impurs, son parvis en sera préservé au bénéfice éventuel des coquins et des marchands, et c’est ainsi que les parents de Jésus et celui-ci en seront chassés.À préciser alors que le Jésus de Metin Arditi est lui-même mamzer, bâtard né de la relation forcée de Marie l’innocente et d’un soldat romain, ensuite adopté avec sa mère par le sage Joseph déjà père de plusieurs enfants et qui l’instruira dans l’observance fidèle des lois juives.L’on imagine les convulsions scandalisées des gardiens du temple chrétien : comment ce juif de Metin ose-t-il ? Jésus rejeton d’une fille-mère et d’un légionnaire ! Et ce n’est qu’un début, car ce Jésus n’aura rien du suave Seigneur à dégaine de hippie de certaine imagerie mais sera révolté, violent même et bien décidé à exclure l’exclusion, non sans aimer en sa tendre chair sa chère Marie de Magdala, et le pompon sera l’apparition d’un Judas bien différent du présumé traître déicide, dont Arditi fait, bien avant Paul, le premier initiateur virtuel de la secte future à laquelle Jésus préfère à vrai dire la fidélité (promise à Joseph) à la loi juive d’amour bafouée par les rabbins et autres grands prêtres du Sanhédrin…Le Judas de Metin Arditi est différent du Judas du grand écrivain israélien Amos Oz ou du protagoniste de L’Evangile selon Judas de Maurice Chappaz, de même que le Jésus du Bâtard de Nazareth est différent de celui du Nobel de littérature J.M. Coetzee, du Christ de Pascal ou du Jésus d’Ernest Renan, mais c’est au traducteur de la Bible juif André Chouraqui que j’emprunterai la réflexion selon laquelle, dans la Bible, la voix de Jésus de Nazareth, le rabbi Yéshoua, est unique… (À suivre)

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