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Prends garde à la douceur

Publié le 02 juin 2023 par Jlk
349181698_173313028762656_6942312948388783583_n-1.jpg (Pensées du soir, XVI) Du sentiment d’impuissance.- Ce que rapportait désormais le multimédia en flux tendu, à propos du pays quasi voisin soudain envahi, transforma la vague idée d’une entité aux plaines infinies en réalité presque tangible dont les images de l’agression brutale que subissaient ses habitants suscitèrent une réelle compassion qui engagea les uns et firent les autres regarder ailleurs comme il est normal de le faire, estimaient-ils sans l’exprimer de vive voix ni le penser même dans de nombreux cas malgré la vision réitérée de l’atroce dévastation... De ce qui recommence.- Un soir il fut question, à la télé, de ceux qui survivaient après deux autres guerres, dont l’un n’avait plus de jambes mais se rappelait le temps joyeux de ses années où tirer sur l’ennemi de classe et dénoncer les parasites sociaux faisait partie de l’honneur des combattants patriotes, mais on parlait autrement aujourd’hui lui signifiait son interlocuteur du média qui n’avait pas connu ces années-là et semblait s’en prévaloir... De l’oubli programmé.- Des milliers de pages et de documents témoignaient de ce qui n’aurait jamais dû se répéter, avait-on longtemps ressassé, mais l’urgence de tourner la page se substituait à présent au devoir de mémoire et ravivait l’ancien ressentiment... Du vrai désarmement.- En vérité, répétera très justement, et non moins inutilement, le sage hostile à toute forme d’agression de son semblable, il n’est d’autre sagesse que de savoir qu’on ne sait pas ce qu’on sait - ce que ne voudra jamais entendre le fou, à vrai dire légion, qui ne veut entendre que ce qu’il n’entend pas... De ceux qui prétendent savoir. - Plutôt que de langue de bois, c’est de bouche pleine de fer qu’émane le nouvel expert de plateau de télé, mais la guerre fait feu de tout bois... Des personnes déplacées.- Celles et ceux qui là-bas étaient hier chez eux au milieu de leurs aïeux vivants encore ou morts depuis longtemps se retrouvent désormais chez eux partout où les accueillent ceux et celles qu’ils tenaient hier pour des étrangers et dont certains ont connu ailleurs leurs parents et autres aïeux... De la résilience. - Une autre aïeule, inconnue au bataillon , dissimule un tatouage national sous son jupon et fait cuire ses gâteaux de Pâques sur son vieux poêle endommagé au milieu de sa cuisine sans murs, au milieu de sa maison sans toit, et tout à l’heure elle ira les faire bénir à l’église du quartier dévasté, à supposer que celle-ci ait tenu bon sous les bombardements... Du langage approprié.- Dans sa nouvelle façon de parler, l’assaillant explique à l’assiégé que ce qu’il lui impose ne vise qu’à le protéger, puis à le libérer, ce que l’assailli fait mine de ne pas comprendre pour mieux protéger sa propre liberté... De la pureté.- Leur absolu se veut une armure et c’est en son nom qu’ils extermineront les impurs adonnés à la simple vie, ce malheureux obstacle à la parfaite contemplation du néant... D’une question indue.- Il y a trois vies de chiens, et beaucoup plus de guerres, que vous vous demandez pourquoi tant de jeunes gens se précipitent aux fronts divers en avérés chiens de guerre, mais à cette question vos chiens de paix n’ont pas de réponse, et d’ailleurs c’est l’heure d’aller se promener... D’autres révélations.- Cependant la guerre elle-même leur aura tendu un miroir , dans lequel ils auront eu garde de ne pas se contempler, tout à leur actes et à leurs actions déjouant l’abjection, et de la violence aveugle et brutale procéda comme un nouvelle innocence sans renom... Des gestes de la vie.- Se lever de bon matin, saluer le jour et sa lumière, compagne ou compagnon et compagnie, et le café, le pain de vie, endosser ses habits de cérémonie, révérence aux voisins amis ou peut-être moins, parcours du combattant de la journée ouvrée, avances et avanies, vacances des après-midi – souvenir des petites convalescences et relance des guérisons, et le monde arrive au soir où l’on s’enlace de se revoir - et l’autre monde nous attend, des rêves plus ou moins innocents, et caetera… Peinture: Edvard Munch.

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