Magazine Journal intime

L'approximation des nombres entiers

Publié le 07 décembre 2019 par Dcmky


Un souvenir vieux de dix ans qui me revient bizarrement.

C'est l'après-midi d'un ancien jour perdu - peut-être un mercredi.
Ma fille de six ans a caché des dessins dans sa chambre, mon fils et moi devons les retrouver.
Le jeu est bien entamé et comme on a déjà mis la main sur pas mal de dessins je lui demande s'il en reste, si par hasard on ne les aurait pas tous déjà trouvés, elle a cette réponse: 'D'après mes calculs, il en reste encore à peu près trois!'.


Quand on fait de longs calculs d'approximation en mathématique, c'est le plus souvent pour parvenir à approcher un nombre réel par un nombre plus simple - en général un nombre rationnel: on parle alors d'approximation diophantienne.
Ce qui donne lieu à de puissants et magnifiques théorèmes qui, et cela ne trompe pas, sont dus aux plus grands mathématiciens: Liouville, Dirichlet, Thue, Siegel...

Quand on commence une phrase par l'expression 'd'après mes calculs', cela sous-entend qu'ils furent longs et difficiles et qu'ils débouchèrent sur un résultat non trivial qui va - on peut en être sûr- laisser l'auditoire profondément impressionné de tant de virtuosité.

L'approximation d'une quantité par une autre est une activité universelle - presque consubstantielle à l'apparition de la vie sur la planète mathématique.
En mathématique, on évalue, on majore, on minore, bref on ne peut s'empêcher d'approximer tous azimuts.
Il s'agit, comme toujours, de faire avec les moyens du bord: se débrouiller pour remplacer un truc compliqué par un truc plus simple en limitant les pertes.

Les seuls nombres que, dans l'histoire de l'Humanité, les mathématiciens n'ont jamais approximé 'après de longs calculs', ce sont bien les nombres entiers.

Ma fille en jolie petite Diophante d'Alexandrie.


' Diophante d'Alexandrie (en grec ancien : Διόφαντος ὁ Ἀλεξανδρεύς Dióphantos ho Alexandreús) était un mathématicien de langue grecque qui a vécu à Alexandrie entre le ier siècle av. J.-C. et le ive siècle, peut-être au iie siècle ou au iiie siècle. Connu pour ses Arithmétiques, ouvrage dont une partie est aujourd'hui perdue, et où il étudie certaines équations diophantiennes, il est parfois surnommé le " père de l'algèbre ".'


Le théorème de Liouville a pour corollaire ce vieil adage:
' Quand un irrationnel s'approxime trop bien par des rationnels, il est transcendant'.
'Transcendant' c'est à dire ' ne pouvant s'écrire comme une racine d'un polynôme à coefficients entiers'.

C'est grâce à ce théorème de 1844 que Liouville a exhibé le premier nombre transcendant de l'histoire des mathématiques, plus connu sous le nom de constante de Liouville:

Il fallut attendre 1873 pour que Charles Hermite établisse la transcendance du nombre e.
Et c'est Lindeman qui, en 1882, devait établir la transcendance du nombre π, résolvant du même coup l'ancestrale problème de la quadrature du cercle.

Il reste encore tant et tant de nombres dont on ignore la nature, à commencer par le plus célèbre d'entre eux, la constante d'Euler dont on ne sait même pas seulement dire si elle est rationnelle ou non.


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